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19 mars 2015

Merde

no_pasaran

 

 

 

 

 

 

Une journée qui commence de la plus agréable des façons.

Il n’est pas loin de 6h30.

Je poinçonne des tickets de métro.

Porte des Lilas.

En compagnie de Gainsbourg.

J’ai 20 ans ?

J’ai 30 ans ?

Je ne sais plus.

A l’échelle du temps, cela n’a d’ailleurs aucune importance.

Il n’est pas loin de 6h30.

Paris s’éveille.

Le monde changera, j’en ai la certitude.

Puisque je suis le poinçonneur des Lilas.

Pas de Fabienne Saintes Fesses.

Aucun bavard inconséquent.

La radio de ce jour, celle de l’information itérative, cette radio-là est muette.

Je ne saurai rien du temps d’aujourd’hui, à cette heure où j’étale sur ma tartine grillée une belle couche d’un beurre aussi salé que breton.

Cinq millimètres, à vue de pif.

J’ai franchi le cap de la septantaine.

Le monde a changé.

Dans un sens non conforme aux aspirations du jeune homme que je fus.

Le monde chemine à rebrousse-temps.

Selon les vœux qu’exprimèrent dès le mitan des années 80 l’alors jeune François, son pote Jean-Pierre et l’actuel marchand de dassaulteries et autres instruments de mort immédiate.

A Tel-Aviv, la droite pure et dure, alliée à des fachos, entraînera encore plus fort, encore plus vite les peuples israéliens et palestiniens (qui sont comme des cousins germains, ne l’oublions jamais) vers la catastrophe finale.

Une alliance qui n’indigne pas Fabienne et ses collatéraux, comme si un facho israélien était moins pire qu’un facho français, comme si son installation dans les allées du pouvoir de là-bas n’anticipait pas sur une autre installation dans les allées du pouvoir que je subis ici.

A Tunis, le macabre décompte des cadavres n’induit guère d’autre interrogation que celle qui vise à m’informer sur le nombre éventuel de victimes françaises.

Je poinçonne, tout en étalant sur une seconde tartine de pain grillé une couche de beurre à peu près similaire à la précédente.

8 heures.

Les intimes récuraisons sont terminées.

Je gagne la station de tram la plus proche.

Où il n’est pas d’agent de la TAM pour poinçonner mon ticket.

D’ailleurs, je n’ai pas de ticket, mais une conventionnelle carte d’abonnement.

Deux ou trois militants du parti qui n’est plus socialiste ne poinçonnent pas les cartes électorales.

Ils affrontent la tourmente.

La tourmente annoncée par les prévisionnistes, muets ce matin sur la radio de l’information itérative.

Ce qu’il faut de courage ou (et) d’inconscience pour se confronter au

Maelström qui englobe les frustrations, les colères, les indignations et qui pourrait bien tout emporter sur son passage !

La gauche a tellement mal bougé et dans un sens à ce point inopportun qu’elle est désormais incapable d’endiguer ne serait-ce qu’une vaguelette.

L’Infiniment Petit François, ce Roitelet de pacotille, est en droit de se réjouir : il léguera aux générations à venir une France de merde.

La merde colle déjà aux semelles de nos chaussures.

Encore quelques défécations vallsouilleuses et macronesques, et elle atteindra au niveau de vos chaussettes, des miennes aussi.

Ce que je ne puis, à titre très personnel, tolérer.

C’est qu’à l’âge où j’aurais pu, Porte des Lilas, poinçonner des tickets de métro aux côtés de Gainsbourg, mon avenir ne présentait pas la moindre analogie avec celui qui survient, qui s’impose à moi.

Même en mes phases de pessimisme les plus sombres je ne m’étais pas alors hasardé à envisager le retour des fachos dans les allées du pouvoir, de ce pouvoir si évidemment démocratique.

Et voilà qu’aujourd’hui la merde colle à mes semelles, que ses pestilentiels relents remontent jusqu’à mes narines.

Voilà cinquante ou soixante ans, si j’avais, Porte des Lilas, poinçonné des tickets de métro aux côtés de Gainsbourg, j’aurais très certainement fredonné le quatrième mouvement de la Neuvième symphonie de Beethoven, convaincu que j’étais que le monde changerait dans le bon sens, dans le sens des Lumières, dans le sens du Progrès.

Aujourd’hui, en l’an de disgrâce 2015, je n’ai plus d’autre alternative que d’écouter en boucle les « Leçons de Ténèbres » d’un musicien français, De Lalande.

La moitié du Peuple de ce pays où je naquis par hasard, ce pays qui m’avait laissé espérer qu’en me faisant français, il m’aiderait d’abord et avant tout à devenir nécessairement homme, cette moitié de ce Peuple se désentrave du Politique, tant il est vrai que le Politique fut dénaturé par ceux qui avaient reçu mission d’œuvrer pour le Bien Public.

L’autre moitié se résigne, mais d’une façon telle que l’angoisse m’étreint.

Je ne me voilerai pas la face.

Je ne m’enfermerai pas dans le refus ou l’abstinence.

J’ai participé à trop combats pour abdiquer devant ce qui n’est, aujourd’hui, qu’une résistible ascension, celle d’un fascisme mortifère.

Je résisterai.

Je résisterai à la tentation du vide.

Donc je voterai,

Avec la désagréable sensation d’y être poussé par l’urgence, de sentir braquées sur mon dos les armes de la violence et de l’intolérance.

L’aveu d’un échec.

Que je dois confronter à l’impérieuse nécessité de la survie.

Non pour moi-même, mais pour ces petits-enfants qui sont autant de petits points lumineux au plus profond des ténèbres.

Pour eux.

Afin que demain, ils n’aient pas à me reprocher d’avoir l’obligation, à leur tour, de patauger dans la merde.

 

Pace è Salute !

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