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8 mai 2010

Couvaison

FEUILLETON (suite)

Une plainte.

Vite étouffée.

Germaine.

Son arthrose.

Ses hémorroïdes.

Quinze jours déjà que la goélande couve ses trois oeufs.

Oui, trois oeufs, en dépit des craintes exprimées aux premiers jours du printemps.

Souvenez-vous: les prémices de la ménopause.

Germaine couve trois oeufs.

Au terme d'accouchements accomplis dans d'insupportables souffrances (mais également dans les règles de l'art et dans le respect des traditions).

Ils reposent là, au beau milieu du nid.

De beaux oeufs vert olive, tachetés de marron, d'où s'extrairont, d'ici peu et en dépit des intempéries, trois bébés.

Les enfants de Raymond.

Edouard ayant failli.

Même si, depuis le retour de sa lointaine odyssée, le conquérant de l'impossible assure la subsistance de la future maman et améliore, de bric et de broc, le domicile conjugal.

Encore que depuis deux jours, ses absences se font de plus en plus fréquentes.

Tant et si bien que ce samedi 8 mai, plutôt que de commémorer la victoire militaire des Alliés sur l'Allemagne nazie, j'ai pris le temps d'installer une bouée de sauvetage autour du nid de l'infortunée parturiente (ainsi qu'un vieux parapluie débaleinisé).

(L'auteur parenthèse: il n'oublie pas que le 8 mai 1945, l'armée française massacra, à Sétif et dans sa région, quelques milliers d'algériens, un ignoble, un inqualifiable fait d'arme qui ne s'enseigne pas dans les écoles de la raie publique!)

"Où traîne-t-il donc, ce matin, votre Edouard?"

La malheureuse bécafouille une réponse à peine audible.

"La feria, monsieur André, la feria....."

La feria.

Les taureaux qui s'ennuient le dimanche.

(Et le samedi aussi.)

Une tradition séculaire à Palavas, une tradition qui remonterait même, selon certains exégètes, à Godefroy de Bouillon (qui, pourtant, ne naquit pas à Palavas....). Godefroy de Bouillon qui serait, selon les mêmes exégètes, un très lointain ancêtre de l'actuel Edile de la station balnéaire....

"Au premier coup de canon, il accourt.... Enfin, non: il prend son envol....."

J'imagine.

Edouard, le cloaque toujours endolori, parmi la foule des ricardisables, dansant au son d'ibériques complaintes.

Edouard ripaillant.

Frites merguézifiées.

Ou l'inverse.

"Je ne l'ai pas revu de la nuit. Sans doute cuve-t-il ses vinasseries derrière l'église Sainte Florence......"

Pas la moindre larmouille: Germaine s'est résignée.

Amaigrie.

Quasiment décharnée.

Mais une goélande qui assume son rôle de mère.

Une goélande qui couve.

Une goélande qui s'obstine à préserver ses traditions à elle, des traditions qui remontent bien avant Godefroy de Bouillon.

Des traditions auxquelles aucun de ses lointains ancêtres ne dérogea.

Pas la moindre fanfreluche, aucune des frivolités auxquelles se livrent des danseuses légères devant des bovidés espagnols semi comateux.

J'extirpe de la poche gauche de mon pantalon deux boîtes de sardine à l'huile d'olive et trois quignons du pain bio de chez Eugène.

"Merci... Merci infiniment, monsieur André..... Vous êtes mon bienfaiteur: vous vous êtes même souvenu que j'étais allergique à l'huile de tournesol....."

En trois bécouilleries, l"épouse éplorable ingurgite les modestes aliments dont je lui fis l'offrande.

"A bientôt, Germaine. A très bientôt...."

 

(à suivre...)

 

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