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25 août 2020

Exil 2020 1

Andlau_depuis_le_Spesbourg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vendredi 17 juillet

 

J’entrevois la ligne bleue des Vosges. En son versant oriental. Par-dessus les vignobles qui concourent à la renommée de l’Alsace. Là où feu Gabriel Blanchemanche, mon père, deux ou trois fois l’an, passer commande auprès de vignerons des Gewurztraminer, Riesling et autres vins élaborés en ce terroir qui changea tant de fois de drapeau au cours de sa déjà longue histoire. Pour peu que ma mémoire ne me trahisse pas, Gabriel Blanchemanche manifestait une préférence marquée pour le Gewurztraminer, un vin sucré qu’il servait en apéritif et qu’il préférait aux Sauternes et autres Jurançon, ainsi qu’aux Monbazillac, lequel était  interdit de séjour en son ardennaise demeure.

(Je précise : mon père commandait chez les vignerons alsaciens des vins qu’il se faisait ensuite livrer. Privilège du cheminot : le transport des cartons remplis de bouteilles ne lui coûtait rien. Ce qui lui permettait d’approvisionner quelques-uns de ses amis, de ses collègues et de ses voisins.)

Piège matutinal fomenté et organisé par JT (rien à voir avec TF1) : une dégustation au cœur du caveau que JT fréquente assidument. Six ou sept vins différents (ma mémoire s’effilocha très vite), dont une entame peu prometteuse avec un Crémant (35 euros la bouteille !) qui point ne parvint à me régaler. En dépit du discours enflammé du caviste s’acharnant à me démontrer que ce Crémant-là surpassait bien des Champagne. Ce que je récusai avec véhémence, affirmant ainsi ma fidélité aux vins produits entre Ay et Epernay. Mais un évident plaisir à déguster certain Riesling dont je me plus à imaginer qu’il accompagnerait et ornementerait ma première choucroute hivernale.

A la sortie du caveau, j’avais la tête à l’envers. Laquelle tête retrouva un équilibre provisoire, lors de mon arrêt, à Barr, dans une pâtisserie dans la vitrine de laquelle JT avait au préalable découvert la présence de bretzels. J’y dépensai la quasi-totalité de ma pension de retraité (celle de juillet) non pour les beaux yeux mais pour les formes si joliment épanouies de la tenancière de l’établissement. Une grande et belle femme, au port altier, aux gestes mesurés, au verbe assuré. (Demain, je me résoudrai à une seconde incursion en cet antre des gourmandises et j’y dépenserai – sans le moindre scrupule – ma pension du mois d’août, une anticipation pour laquelle je m’interdis de meaculpater.)

Tout plein de gens apparemment cossus. Catholiques. Et qui feignent donc de dissimuler leurs richesses – relatives au demeurant – tout en laissant transparaître les moins criards de leurs fondements. En quatre circonstances, il me fut donné d’ouïr une dénonciation du jacobinisme franchouillard. Donc l’impression que certains des indigènes de ce pays-ci oscillent sans vergogne entre un régionalisme nimbé des couleurs multiples de leur histoire et un nationalisme tricolorisant qui puise de Barrès en Le Pen les apparences de sa légitimité. Demain matin, la fréquentation du marché de Barr d’autres indications (utiles ?) les mieux à même d’infirmer ou de confirmer mes premières impressions.

L’Alsace. Ma si lointaine enfance. Sélestat. Gabriel Blanchemanche (donc mon père) et Paul Werk, mon oncle. Deux « beaux » frères. Qui s’entendaient plutôt bien. Paul Werk, marié à Henriette Toupet-Rose, la sœur ainée de ma mère, Marguerite Toupet-Rose. Une emmerdeuse, Henriette, pingre et revêche, dont aujourd’hui encore je peine à comprendre ce qui poussa Paul Werk à l’épouser. Sauf qu’Henriette et Paul conçurent Gabrielle (dite Gaby) ma cousine, mon ainée de trois ou quatre ans, germaniste confirmée, et qui me concéda l’autorisation d’entrapercevoir ses deux seins somptueux une nuit où nous fûmes contraints, elle et moi, lors d’une fête familiale, de dormir dans un même espace (à défaut du même lit).

(Au fait ? Pouvait-il être question de fête dès lors que des Toupet-Rose étaient conviés à se mêler aux agapes ? J’en doute !)

La rivière (le torrent ?) chantonne à quelques pas de moi un Lied à la Schubert. Laura et Jules colonisent la totalité du jardin qui jouxte cette rivière (ce torrent ?). C et JT (vraiment rien à voir avec TF1) préparent de concert une tarte flambée. Les vins somnolent dans la bienveillante fraîcheur du réfrigérateur. La ligne bleue des Vosges, à l’heure du crépuscule, est à peine moins sombre qu’elle ne le fut ce matin.

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