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9 mai 2017

Docteur Bardamu

QUIZ_Les-titres-des-romans-de-Louis-Ferdinand-Celine_8898

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai entendu venant des profondeurs de la société bien pensante et plutôt bien installée aux marges du monde capitaliste les multiples soupirs d’un lâche soulagement.

Alors même que l’élection de l‘Avorton ne faisait aucun doute.

Les oracles l’annonçaient et elle se confirma.

Il ne pouvait en être autrement.

Les Puissants avaient tout mis en œuvre pour qu’il en fût ainsi.

Et pourtant, sa prétendue victoire est d’abord et avant tout une défaite gravissime pour celles et ceux qui ne sont pas des résistants de circonstance mais des résistants de conviction.

Plus de dix millions d’hommes et de femmes ont accordé leur suffrage à la Gorgone.

Dix millions de gens qui ont donc nié ou renié leur humanité.

Combien seront-ils au cours des prochains mois ?

Combien se décompteront-ils lorsque l’Avorton aura administré la preuve qu’il n’est bien que l’agent exécutif de la Machinerie capitaliste et qu’il aura concédé à cette Machinerie le droit de poursuivre sa mortifère entreprise?

Le maquis me sied.

Lors de ce si proche scrutin, alors que la société bien pensante s’agglutinait dans les isoloirs, avec la conviction de sauver, par son acte électoral, une démocratie qui ne laisse pourtant plus entrevoir que ses apparences, je lisais un fantastique roman.

« Le dernier voyage de Soutine » de Ralph Dutli (Le Bruit du temps).

Du côté de la page 182, l’auteur évoque Céline.

Céline, adulé par tant des écrivaillons franchouillards, résistants de circonstance eux aussi, pétitionneux intransigeants, exigeant du Peuple Souverain qu’il votât en faveur de l’Avorton, barrage insubmersible, prétendirent-ils, contre le fascisme.

Je reproduis ci-contre le passage qui évoque à la fois le peintre d’origine juive et l’écrivain nazi.

 

« Le hasard n’est pas rationnel, et il a de bonnes raisons de ne pas l’être. Rien n’est vraiment rationnel, sauf peut-être le rêve. Destouches ? Déjà entendu ce nom-là. Lorsqu’en 1937 à la Coupole un copain lui fourre une photo sous le nez, il reconnaît tout de suite le médecin de Clichy et prend peur. Mais c’est un autre nom qu’il y a écrit dessous ? Le docteur Destouches, docteur en médecine de la Faculté de Paris, ne porte comme doux pseudonyme féminin que le prénom de sa grand-mère : Céline. Il a fermé son cabinet moribond, montre les crocs et se catapulte en un grand bond bien loin de Clichy. En vol, il a le temps d’écrire un gros roman : Voyage au bout de la nuit.

Mais la nuit est encore loin d’être finie. En 1936, le docteur Bardamu rédige une nouvelle tranche de sa vie fielleuse : Mort à crédit. Oui, la mort vient à tempérament. Elle aime les détours. Le peintre aussitôt reconnaît le docteur Destouches. C’est lui, le même, mais avec un autre nom. Jamais il n’a oublié ce visage.

Il revoit souvent ce docteur Bardamu dans ses rêves ; il lui court après dans les rues de Clichy. Il s’est transformé en nain jurant et éructant, entre ses mains bruissent ces notes aigres dans lesquelles il qualifie le patient sanguinolent et ses semblables de vermine, de rebuts de l’humanité, de tortionnaires de l’Occident. Ce sont ses pamphlets fulminants : dans la main gauche, Bagatelles pour un massacre, dans la droite, l’Ecole des cadavres. Le docteur crie, il s’égosille, ce n’est pas pour rien qu’il aime et vénère le grimaceur à la petite moustache : éliminer, empoisonner cette engeance de rats, écraser ces avortons. Qu’il n’en reste pas un. Pas un, entendez-vous… crie le docteur massacreur qui l’avait ramassé et soigné, lui, le peintre, à Clichy, autrefois.

Et le souhait du docteur Bardamu est exaucé, l’occupant arrive pour de bon, en ma    i 1940, prêt à accomplir cette œuvre purificatrice qu’il appelle de ses vœux. Et il s’étonne, l’occupant, de voir avec quelle avidité le poison l’attendait. Bardamu compte bien rivaliser avec les plus déterminés, il fait honte à plus d’un, qu’il accuse de tiédeur, et ne meurt même pas à Sigmaringen, mais bien au chaud da   ns son lit à Meudon. Si l’on avait disséqué le docteur Bardamu, les pathologistes auraient été étonnés de la quantité de poison susceptible de couler d’un tel cadavre. Personne n’a autant de poison. Cela n’arrête plus. Plus tard, ses admirateurs aspireront goulûment le suc acide qui s’épanche des trous laissés par l’autopsie littéraire ; ils en feront leur saint malotru, se gargariseront de son obscène évangile de morve et de haine. Sa logorrhée de massacre a trouvé de beaux disciples… »

 

Les voilà donc les disciples. En l’an de grâce 2017. Les écrivains franchouillards qui vouent à ce « brave » Destouches une admiration démesurée. Les mêmes qui me mirent en demeure de voter pour l’Avorton en invoquant cette résistance dont ils ne sont que l’aberrante caricature. Résistants de circonstance, emportés par les courants dominants. Courants qui, demain, les pousseront vers d’autres contrées.

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