Pénélope aise...

Tant de fois, alors que ses longs doigts maniaient les aiguilles et que s’esquissaient tricots, chaussettes et autres lainages, elle chanta la ritournelle de sa douce voix de maman et d’épouse.

« Et un point à l’envers

Et un point à l’endroit

Un point pour Saint Joseph

Un point pour Saint François »

Pénélope.

Qui jamais ne détricota la nuit ce qu’elle avait tricoté le jour.

De telles inconséquences étaient inconcevables aux yeux de cette femme admirable, mère de cinq Télémaque qu’il lui fallait nourrir, vêtir, éduquer, distraire.

Donc Pénélope tricotait.

« Et un point à l’envers

Et un point à l’endroit

Un point pour Saint Joseph

Un point pour Saint François »

Son Saint François !

L’Ulysse sarthois, dévoué serviteur d’un pays si longtemps soumis aux fantaisies gauchisantes habilement récupérées en 1981 par un ancien trancheur de têtes rebelles.

Son Saint François qui, aux aurores de chaque jour, s’empiffrait d’épaisses tartines recouvertes d’une épaisse couche de beurre et d’une non moins épaisse tranche de rillettes du Mans.

Le tout trempé dans un grand bol de café au lait.

Son Saint François, dont la piété jamais ne se démentit.

Pénélope tricotait.

Bénévolement.

Pour ses cinq petits Télémaque, pour son Saint François, mais si peu pour elle-même, toujours vêtue de peu, de ces pauvres vêtements qui s’achètent sur les marchés paysans.

L’entretien d’une humble masure.

Seule.

Tant son Saint François se montrait malhabile dans les exercices du bricolage et du jardinage.

Et si peu disponible, son Saint François, requis par la service de la France, sous l’autorité de l’Infâme Vibrionnant qui en avait fait son Collaborateur et lui imposa le martyr durant cinq très longues années.

Pénélope tricotait.

De jour comme de nuit.

« Et un pont à l’envers

Et un point à l’endroit

Un point pour Saint Joseph

Un point pour Saint François »

Trempant chaque soir ses pauvres doigts de tricoteuse dans un grand bol d’eau bénite.

Afin d’atténuer ses souffrances.

Lisant ensuite aux cinq petits Télémaque regroupés autour d’elle, devant l’âtre, quelques pages de l’un ou l’autre des Evangiles.

Puis les couchant sur une litière, les enveloppant de couvertures venues des stocks de l’armée américaine et offertes par les dames patronnesses, militantes bénévoles du Secours Catholique.

Son Saint François voyageait.

Souvent.

Pour le service de cette France si fidèlement catholique.

Rencontrant parfois une dame Angela, un jour à Berlin, l’autre jour à Paris.

Sans la moindre arrière-pensée.

Une âme pure son Saint François.

Lorsque les cinq petits Télémaque s’étaient endormis, elle reprenait ses pelotes de laine, ses aiguilles, s’installait devant l’âtre, face au feu déclinant.

Et elle tricotait.

« Et un point à l’envers

Et un point à l’endroit

Un point pour Saint Joseph

Un point pour Saint François »

Pénélope tricotait.

Bénévolement. 

Jusqu’à ce que ses yeux ne se fermassent et qu’elle ne se résolve à s’allonger sur la litière, tout contre les cinq petits Télémaque, afin de leur transférer un peu de sa chaleur maternelle.

Une sainte femme, Pénélope.

Qu’aucun vaticancaneur n’avait cependant pensé à canoniser.

Quant tout-à-coup, les mécréants entreprirent d’exhaler leur fiel.

Un torchon, un torche-cul insinua qu’elle, Pénélope, femme, épouse et mère exemplaires, aurait été rétribuée, sur des deniers publics, sur ordre de son Saint François, pour l’exaltante mission dont Dieu lui-même lui avait confié la réalisation.

Trainée dans la boue, Pénélope.

Tout comme son Sant François.

Cet homme que le Beau Peuple de la Belle France s’apprêtait à installer sur le Trône.

Calomniés et l’une et l’autre.

Pour les quelques aumônes qui avaient tout juste permis d’apporter aux cinq petits Télémaque les si rares douceurs qui ravissent tant les enfantelets.

Rien de superfétatoire.

Rien qui puisse évoquer le lointain souvenir d’une Marie-Antoinette.

Juste la banale reconnaissance de ses mérites de femme, d’épouse et de mère.

De tricoteuse aussi.

« Et un point à l’envers

Et un point à l’endroit

Un point pour Saint Joseph

Un point pour Saint François »