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24 août 2016

Chroniques corses 2016 10

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Lundi 27 juin

 

Malgré d’infinies souffrances, je me suis infligé la route du Reginu puis la montée vers les hauteurs de Monticellu afin d’observer durant quelques minutes l’affligeant spectacle de la modernité d’Isula Rossa. L’empilement des cubes de béton sur les collines qui, depuis Monticellu, cernent le port et le centre de la bourgade. A quelle catégorie sociale appartiennent ceux qui « investissent » (dans) cet habitat répétitif ? Des spéculateurs en quête de profits à très court terme ? Des parvenus qui ont jeté leur dévolu sur ce coin collectivisé de la Balagne ? Quelques massifs de lauriers roses parsèment ce paysage urbanisé selon les règles mathématiques qu’élaborent dans les sous-sols des banques de grands enfants qui continuent à entasser des cubes sans se préoccuper ni de l’esthétique ni de la quête du bien vivre.

D’infinies souffrances. Dans le bas du dos. Lombalgie. Peut-être. Quoiqu’il en soit, je paracétamole selon des dosages qui outrepassent les recommandations spécifiées par les notices officielles. Des comprimés dont je me précipitai effectuer l’achat, mes réserves s’étant taries au cours des deux derniers jours. Durant mes séjours insulaires, je fréquente deux pharmacies. Celle de Belgudé tenue par une teutonnante professionnelle. Celle d’Isula Rossa. Où il existe deux officines situées aux deux extrémités de la place Paoli. L’une qui me révulse et que j’ignore, celle qui se donne les apparences d’un supermarché dans lequel un personnel vigilant vous convie à vous intéresser à l’ensemble des produits destinés à entretenir d’illusoires prolongements aux jeunesses finissantes. L’autre qui se situe dans les normes de ce que je considère relever de l’assistance humanitaire. Là où je fis la connaissance d’un pharmacien mélomane. L’anecdote remonte à quelques années. Un jour où, peut-être, je souffrais déjà du bas du dos. Je m’étais introduit dans la file d’attente constituée, pour l’essentiel, de touristes carbonisés au troisième degré au lendemain d’expositions abusives aux rayons du soleil. Et là, allez savoir pourquoi, j’avais commencé à fredonner je ne sais plus quelle ritournelle. Ritournelle dont quelques notes parvinrent jusqu’aux oreilles de l’homme de l’art. « Vous chantez ? » Le questionnement me remit alors en mémoire la fable de monsieur Jean de La Fontaine. Le praticien ma rassura illico. Il n’était nullement question de me convier à danser sur la place Paoli mais plus prosaïquement de me convier à participer aux activités de la chorale locale. Je le déçus sans toutefois le fâcher lorsque je lui révélai le nom du lieu de mes attaches ordinaires. Mais depuis lors nos relations sont empreintes de courtoisie et c’est donc à cette officine que je réserve la part la plus importante de mes acquisitions de médicaments durant mes séjours en Balagne. Bien que je sois toujours intrigué par la teutonnante pharmacienne de Belgudé.

Les souffrances s’estompent. Effets conjugués de paracétamolaisons sans aucun doute excessives et d’applications régulières d’une pommade miraculeuse. Les dernières heures furent celles de l’accomplissement d’un autre miracle. Ce récent dimanche, à l’heure du crépuscule, alors que le soleil semblait ne pas vouloir se coucher, Jules s’aventura en rampant jusqu’au plus extrême du balcon de la chambre du second étage. Tant et si bien qu’il advint ce qui devait advenir : Jules chut dans le vide et son corps d’enfantelet se serait écrasé sur les pavés si Rhinossoti, du haut du clocher, n’avait perçu l’imminence du drame. Le royal volatile s’élança, piqua, ouvrit ses serres et récupéra le marmot à quelques centimètres seulement de ce qui aurait pu devenir le théâtre de la catastrophe finale. Mieux encore ! Rhinossoti eut le réflexe de planter ses serres dans la couche-culotte, évitant ainsi à mon petit-fils quelques plaies superflues, celles que n’auraient pas manqué de provoquer ces mêmes serres dans la chair si douce et si tendre du garçonnet si, par malheur, il eût été nu. Au terme d’un vol de quelques secondes, mon royal compère s’en vint déposer Jules dans les bras de sa mère, ma fille. Ce midi, Rhinossoti a eu droit à deux cuisses de poulet (label rouge) et à un râble de lapin.

Chaleur étouffante. Le vent qui tourbillonna toute la nuit (et de ce fait perturba mon sommeil, lequel était déjà affecté par mes douleurs lombaires) s’est figé je ne sais trop où. Sans doute loin de la mer qui, ce matin, moutonnait tant et plus. Pour regagner le Village, j’avais en effet opté pour le parcours ordinaire, celui qui longe la côte avant d’obliquer à angle droit vers Belgudé et la Moyenne Balagne (à deux pas de l’étal où Jean-Claude et Antoine proposent fruits et légumes dont je fais un usage immodéré). Je fus donc en mesure d’observer ces moutonnements d’une immaculée blancheur roulant par-dessus les flots si bleus de la Méditerranée d’ici.

(J’entends Jules discourir au fond de son lit. Le petit bonhomme se familiarise avec la corsitude !)

Oui. Jean-Claude. Que je me dois de saluer. Lui qui greffe et qui greffe tant et plus afin d’obtenir les plus goûteux, les plus savoureux des agrumes. Pamplemousses. Citrons. Oranges. Clémentines. Mandarines. Cédrats. Assis côte à côte sur le banc installé à l’entrée de l’étal, nous devisons. « Tu ne fumes plus ? » Non, depuis bientôt cinq mois. Jean-Claude, lui, persévère. Les cigarettes se vendent ici beaucoup moins cher que sur le continent. Donc les greffes. La passion de Jean-Claude. « Tiens, goûte ! » Des kumquats. Les derniers de la saison, qu’il a cueillis ce matin. Un plein sac. En cadeau. Pour le plus grand bonheur de P’tit Bout, gourmande de ces fruits-là.

Une pensée pour la belle et noble dame que j’avais autrefois appelée Colomba. Qui s’est bien battue contre le crabe. Qui a vaincu le crabe. Ce que me raconte sa fille (qui a pris la succession de Colomba derrière l’étal et qui sourit tout autant que souriait sa mère). « Vous l’avez manquée de quelques minutes. »

Mais où donc sont-ils allés chercher le reflet quadricomique de Manu ? Les Tapissiers. Ils ont exhumé un portrait encore plus vallsouilleux que nature. L’oreille droite pivotante. Les lèvres crispées. Le rictus du légionnaire se retrouvant face à face au creux d’une dune saharienne avec un daéchiant malien. Le regard fixe, privé et cet instant-là de toute humanité. Le chef de gouvernement dont Morse Taquin prétend que tous « les acteurs du monde économique veulent discuter » avec lui. L’homme qui vit et agit en symbiose avec les patrons. Et qui tient à ce que cela se sache (ou se susse ?). Encore que les patrons corses ne sont le plus souvent que des boutiquiers. Il me fut confié par un ami que les seuls et vrais patrons s’en viennent ou du continent ou d’îles point trop éloignées, italiennes de surcroit, et placées s’il faut en croire la rumeur sous la tutelle de Cosa Nostra.

Jules d’ailleurs engage la conversation avec Jules du Village. Rhinossoti sieste au centre de la branche majeure du pin tutélaire. Il est l’heure pour moi de paracétamoliser (deux grammes supplémentaires) puis de m’enduire le bas du dos avec un peu de pommade miraculeuse.

 

Mardi 28 juin

 

Conversation à l’ancienne associant deux anciens assis côte à côte sur un muret. Amusés l’un et l’autre de constater que François a bel et bien feint de cheminer vers les terrasses qu’il lui reste à débroussailler. Il lui a suffi pour cela d’oublier une clef, de le constater devant la porte du cabanon où sont entreposés les outils, de s’en revenir jusqu’au Village par le sens ascendant et de nous faire alors remarquer son état d’extrême lassitude avant de proclamer que le débroussaillage attendra les heures à peine plus fraîches de la soirée. Puis survint Roger qui narra par le détail la multitude des gestes d’affection que lui concède Jules l’Ancien. Des cendres répandues tout autour de sa demeure afin d’en interdire l’accès aux cohortes de fourmi qui tentent de l’envahir. Les multiples cadeaux alimentaires qui ne tiennent évidemment compte ni des besoins ni surtout des envies de Roger dans le réfrigérateur duquel s’accumulent tant et tant de victuailles qu’il serait possible à l’ancien enseignant de nourrir durant deux bonnes semaines une escouade de la légion étrangère. Vin rosé compris, bien entendu. Ni Antoine ni moi-même ne formulons à l’encontre de Jules l’Ancien les reproches que nous suggère le véhément plaidoyer instruit par Roger.

J’avais, jusqu’à ce jour, ignoré le nouveau transmetteur de pain artisanal. Frais un jour sur deux. Donc rassis un jour sur deux. (Même si d’archaïques techniques permettent de recréer une apparence de fraîcheur, comme de mouiller le pain puis de le passer au four.) Le personnage est, a priori, haut en couleurs. Bien que j’eusse fait profil bas lors de notre premier contact, j’ai remarqué chez lui une corsitude de bon aloi.

Jean-François et ses deux STO pergolatent chez les B. Une œuvre titanesque. Les trois pieds de vigne grimpante attendent que leur soit accordée l’autorisation d’enrouler leurs vrilles aux structures métalliques. Je doute qu’elles y parviennent cet été. Encore qu’à l’occasion de la Saint Roch il se produit parfois des miracles. Jean-François s’épuise dans cette tâche qu’il s’impose d’achever dès demain. Jeudi, il rejoindra le continent. Son absence me pèsera.

Hier soir, aux alentours de vingt heures, ils furent quatre à survoler le Village. Quatre Pélicans (Morse Taquin les dénomme ainsi) qui s’en retournaient à Marseille. Bruyants. Mais ô combien utiles dans la lutte contre les incendies de forêts. Morse Taquin m’apprend que le feu démarra sur les rives du Tavignani puis, poussé par un vent très violent, se rapprocha de Corti et mit en péril l’existence d’une trentaine de randonneurs et de baigneurs, lesquels furent secourus par les pompier lesquels disposaient, eux, d’hélicoptères. En ce début d’été, le maquis a déjà pris des couleurs qui s’apparentent à celles qui d’ordinaire prévalent vers la fin du mois d’août.

Je ne cesse de m’interroger sur les conséquences du Brexit. Dans mes rêves les plus insensés, j’interpelle Gilles et Jean-Guy. Je m’efforce de les convaincre d’engager des négociations avec David. J’essaie de leur expliquer l’intérêt qui serait celui de la Corse de renouer l’alliance avec la perfide Albion. Puisqu’il leur en faudra de nouveaux alliés à ces Grands Bretons qui ne sont désormais plus Européens. (Je tempère : moi-même, je ne suis plus Européen, du moins sous les formes junckéristes ou moscovichystes que la clique bruxelloise prétend m’imposer.) Une opportunité à saisir. En revenir à l’approche qui fut celle de Paoli. Donner une nouvelle tournure, un nouveau sens à l’Histoire. Quitte à ne plus considérer la France comme une puissance amie mais de la reléguer dans ses fonctions triviales, celles que se confère la puissance colonisatrice (ainsi que le démontre de bien belle manière le Vieux Sage dans In Corsica !).

Le temps des dérives. La une des Inrocks. Houelbecq rédacteur en chef de la plus récente édition (sauf confusion possible de ma part puisque je ne fis pas l’acquisition de ce numéro). Donc rédacteur en chef d’un hebdo qui se prétende de gauche, qui mélanchonise parfois. Un hebdo dont je m’éloigne, dont je ne fais éventuellement l’acquisition qu’après avoir pris le temps de consulter le sommaire. Je ne fréquente pas H. La « pensée » de ce petit homme me répugne. Si tant est que H exprimât une quelconque pensée qui ne s’inscrivît pas dans les courants de l’infamie. Mais H si utile, voire même indispensable, aux transfuseurs de la pensée dominante. Clone de LFC, avec les variantes contemporaines qui autorisent à opérer les transferts de l’antijudaïsme vers l’anti-islamisme. La politique éditoriale me permet de réaliser de substantielles économies.

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