(re)J+55
Quel est donc l’auteur des vers que j’ai reproduits hier au terme de ma divagation ?
La question m’est posée.
Il est vrai que pour les plus jeunes de mes liseurs, le Poète étant rejeté dans l’oubli par tant de Maîtres es-littérature, il devient difficile de l’identifier.
D’ailleurs les temps ne sont plus à la Poésie.
Les temps d’aujourd’hui qui sont ceux du plus sordide des réalismes.
Je ne dissimule rien, pas même dans l’entrelacs du Mentir Vrai.
Je persévère.
J’aragonise.
Je me donne des apparences dont j’use pour me créer ma propre identité.
Aragon, donc.
Louis.
Le roman achevé.
La part de l’œuvre poétique dont je me sens le plus proche, celle vers laquelle je m’en reviens lorsque je titube dans ma recherche d’un peu de lumière au fond de mes ténèbres.
J’aragonise, oui.
A septante et huit ans, je ne me le reproche pas.
J’établis un constat (littéraire), c’est tout.
Lequel s’ouvre en ma prime jeunesse lorsque Juliette, feue mon aïeule, me laissait entendre La rose et le réséda.
Sa voix qui scandait à la perfection les vers que le gamin aimait déjà à répéter.
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Je suis entré dans cet univers poétique par une porte dérobée, la porte que Juliette me tint entrouverte afin que je me familiarise avec les mots qui chantaient d’une si belle façon.
Son héritage à elle de la guerre.
Le poids des souffrances qui, si elles ne furent pas directement siennes, avaient laissé en elles d’indélébiles cicatrices.
Et s’il était à refaire
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains
A septante et huit ans, je pourrais passer cette nuit de Noël qui s’en vient à murmurer les vers qui se gravèrent en moi en ces lointaines années de mon enfance.
Eux qui ont nourri mon esprit et qui ont fait de moi un rebelle.
Un rebelle jusqu’au bout.
Sauf qu’aujourd’hui, je ne parviens plus à parler des lendemains.
Je dénoue les fils de ma mémoire.
Noël Noël ces aurores furtives
Vous ont rendu hommes de peu de foi
Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive
A l’avenir qui rénove autrefois
Oserez-vous ce que leur Décembre ose
Mes beaux printemps d’au-delà du danger
Rappelez-vous ce lourd parfum des roses
Quand luit l’étoile au-dessus des bergers
Au grand soleil oublierez-vous l’étoile
Oublierez-vous comment la nuit finit
Lorsque le vent soufflera dans les voiles
Oublierez-vous la mort d’Iphigénie
Pleure le pourpre aux cils des pâquerettes
Ou s’il y perle une sueur de sang
Oublierez-vous la hache toujours prête
Les verrez-vous avec des yeux absents
Le sang versé ne peut longtemps se taire
Oublierez-vous d’où la récolte vint
Et le raisin des lèvres sur la terre
Et le goût noir qu’en a gardé le vin
Ainsi commence ma nuit de Noël.