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23 janvier 2020

Eloge de la cacasse à cul nu

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Eloge de la cacasse à cul nu….

Un mets typiquement ardennais dont j’ignorais l’existence jusqu’à ces dernières semaines.

Et puis, le hasard, des trifouillaisons sans queue ni tête dans le fatras des milliards de données.

Deux ou trois vidéos sur un même thème : la cacasse à cul nu.

Une cliquaison.

Et la révélation d’une recette qui m’était certes inconnue mais qui tant du côté des Blanchemanche que des Collard, des Toupet que des Rose avait peut-être, lors de la Première comme de la Seconde Guerre mondiale servi de base à la préparation d’un plat roboratif.

De 1914 à 1918 puis de 1940 à 1944.

Des temps de grande disette.

Des temps d’ascèse non désirée, lorsqu’il fallait se contenter du très peu que laissaient aux familles les Occupants, les armées du Kaiser dans un premier temps, puis celles du Führer dans un deuxième temps.

En ces années-là, les femmes mélangeaient dans des cocottes en fonte posées sur des cuisinières portant des noms prestigieux (Godin et Arthur Martin) les rares légumes du jardin.

Des pommes de terre et des oignons.

La base quasi ancestrale de la cacasse à cul nu, enrichie du bref passage d’un morceau de lard (voir NB ci-dessous).

Jusqu’à ma récente découverte, je n’avais jamais fait usage du mot « cacasse ».

Et si pour mon plus grand malheur je l’avais entendu prononcé par quelqu’une ou quelqu’un de mon voisinage, j’aurais aussitôt réprimé mon désir de le restituer devant mes proches.

Il m’était en effet strictement interdit d’introduire dans le milieu familial des résidus du vocabulaire de ce que mes aïeux aussi bien que mes père et mère ainsi que mes maîtres qualifiaient, en laissant entrevoir une moue méprisante, du « patois ».

Feue Marguerite Toupet, ma mère, traquait avec une férocité inouïe le moindre manquement à l’orthodoxie linguistique.

A peine avais-je prononcé un mot impie que j’étais illico condamné à sortir du tiroir mon cahier des « punitions » et à recopier cinquante, cent, deux cent fois selon l’humeur de ma tortionnaire, l’une ou l’autre des phrases abruptes qui sont restées gravées dans ma mémoire.

« Le mot « cacasse » n’est pas un mot français. Je ne dois prononcer ou écrire que des mots français. »

Na !

Aujourd’hui, je m’enhardis.

Orphelin de mère depuis bientôt soixante ans, je revendique enfin mon autonomie.

Non seulement je prononce et j’écris le mot « cacasse », mais j’ai même entrepris de cuisiner la cacasse.

Pas plus tard que ce récent dimanche.

En prenant, puisque je me suis enfin émancipé, quelques libertés non seulement avec la recette originale mais aussi avec ses variantes telles qu’elles me furent données à voir et à entendre sur le site qui amalgame les images et les sons.

Je résume.

Epluchage de 4 oignons (doux des Cévennes) et de 3 ou 4 échalotes, puis découpage en fines lamelles.

Epluchage puis découpage en très gros dés de 7 ou 8 pommes de terre à chair très ferme.

Voilà pour le point de départ.

Ensuite ?

Préparer pour ne pas les oublier 3 gousses d’ail, le sel et le poivre, le thym et 2 feuilles de laurier ainsi que 2 verres de vin blanc (en l’occurrence, et puisque je réside dans le Languedoc, du Picpoul de Pinet).

Faire revenir dans une cocotte en fonte 4 à 6 tranches de lard (ma préférence va à la poitrine fumée).

Les réserver dès qu’elles sont bien colorées.

Dans le gras, faire revenir les oignons, les échalotes et les gousses d’ail préalablement écrasées.

Dès que ces ingrédients deviennent translucides, ajouter le vin blanc.

Bien récurer à l’aide d’une cuillère en bois le fond de la cocotte afin que se dissolvent les sucs.

Ajouter les pommes de terre et bien mélanger, saler et poivrer, puis introduire thym et laurier.

Enfin, couvrir d’eau et laisser cuire 45 minutes.

Entre temps, faire revenir de la grosse et belle saucisse fraîche (grill ou poêle selon les disponibilités).

Au terme des 45 minutes, ajouter les morceaux de la dite saucisse, la poitrine fumée et 6 melsats (de délicieuses saucisses aveyronnaises).

Laisser cuire 30 minutes supplémentaires.

Et déguster.

J’ai certes trahi mes ancêtres, mais je me suis régalé.

Je me suis d’autant plus régalé que j’ai greffé à ce mets un Faugères, un rouge Ollier-Taillefer dont je fais, de temps à autre, mes délices.

Bien sûr, les suppléments « d’âme gastronomique » furent interdits aux malheureux ardennais qui subirent le joug teuton.

Eux qui de 1914 à 1918, ne furent plus du tout français.

Moi qui descends d’eux, j’ai eu le privilège de conférer à la cacasse à cul nu des tonalités languedociennes, l’ensemble atteignant toutefois à une harmonie qui m’a étonné !

 

NB/ Pourquoi cul nu ? Tout simplement parce que le plat originel ne contenait pas le moindre morceau de viande (même pas celui de lard dont seul gras servait à conférer le goût, ce morceau étant mis de côté pour le lancement de la cacasse suivante)

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