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Comédies
22 juillet 2015

Chroniques corses 2015 (7et 8)

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Samedi 20 juin

 

Grillaison de viandes corses face à un prodigieux coucher de soleil. L’astre rouge sang s’extirpe des nuées arachnéennes dans le creux des deux sommets (autrefois volcaniques, selon Jean-Louis) qui dominent Monticellu. Agapes nocturnes qui réunissent la fine fleur des villageois, excepté Pierre-Marie, l’Edile et conseiller départemental recru au terme d’une très longue journée de palabres. Les heures qui précèdent le retour sur le continent d’amis qui me sont chers. Dont Jean-François.

Le Village n’est plus le havre où l’on réside. Il n’est que le lieu d’étapes transitoires, pour des séjours de quelques jours ou quelques semaines. La communauté se dilate ou se rétracte au gré des saisons, en fonction des obligations des uns et des autres, à Marseille, à Paris ou ailleurs. La Corse n’offre pas d’autre alternative que l’exil, sauf à se résigner à vivre dans la précarité, celle qui résulte des emplois dits saisonniers dont se repait une « industrie » touristique dont je doute qu’elle soit en mesure de contrecarrer le dépérissement économique du territoire.

Virée matutinale à Isula Rossa. En compagnie de Régine et Patrick, des pinzutti dont j’apprécie la générosité, le sens du partage. Le bourg hypertrophié pour le seul profit de cette « industrie » touristique, enlaidi, défiguré par la multiplication des murailles de béton derrière lesquelles des (par)venus des contrées septentrionales ne manifestent aucun intérêt, aucune attention à l’égard de celles et ceux qui l’habitent, feignent de sustenter d’authentiques « choses » corses, mais ne dissimulent même pas le mépris que ces presque nantis ressentent à l’encontre de celles et ceux qui à leurs yeux ne sont que des crève la faim.

Morse Taquin entrefile une information qui n’est cependant pas anodine : l’antépénultième dérapage perpétré par l’individu dont le règne s’acheva voilà un peu plus de trois ans, Nicolas le Trépident. Celui-là même qui rêve de reconquérir le pouvoir et d’asseoir, une seconde fois, son cul somme toute très ordinaire sur le trône qui, paraît-il, symbolise l’autorité de la raie publique. Le petit homme colérique, si vulgaire mais dont les ambitions sont si démesurées par rapport à la médiocrité de ses talents a tenu des propos évidemment indignes sur la question des flux migratoires. Solidement arrimé à l’idéologie frontiste, ce Gesticulant se lance dans une course insensée aux trousses de la fille que son père, vieux facho blanchi sous le harnais, ne reconnait plus comme sienne.

Mais en la matière, il serait malvenu d’effacer de la mémoire collective les saillies proférées à l’encontre des Roms, voilà bientôt trois ans, par le Comte d’Evry, Grand Chambellan d’un Monarque qui œuvre avec obstination pour la paupérisation définitive du socialisme. Le racisme et la xénophobie se sont insinués dans tous les recoins de l’espace public. Chacun entonne son couplet, modulable au gré des circonstances. Il n’est donc pas surprenant que dans la France d’en bas, de braves gens laissent libre cours à leurs instincts les plus vils qui préludent aux aberrations dont l’Histoire démontre qu’elles relèvent de la récurrence en ce pays qui n’a toujours pas soldé ses comptes avec son passé fascistoïde et colonial.

 

 

 

 

Dimanche 21 juin

 

Néant.

 

 

Lundi 22 juin

 

Réduit à néant ce dimanche. Surabondance de victuailles, de rosé et d’autres substances a priori superflues. Un séjour sur le sable, du côté d’Algajola, mais baignades contrariées par la présence de méduses vindicatives. L’ombre bienfaitrice des tamaris, mon vieil épiderme de s’accommodant plus des confrontations prolongées aux rayons du soleil. L’accueil de Pascale à l’aéroport de Calvi. Puis la nuit du solstice, la fête de la musique, commémorée chez Eugène. D’autres agapes. La découverte d’un rosé issu de vignes qui poussent sur les hauteurs d’Ajaccio. Un vin d’excellente facture. Quelques chants corses. Avant l’immersion dans un sommeil profond.

Waterloo. La fin de l’épopée napoléonienne. Les belgiens reconstituent, paraît-il (Morse Taquin l’affirme), la bataille qui cela l’achèvement de l’Empire. Un Empire dont les guerres me furent narrées par Henri Manceau, l’homme qui m’enseigna l’histoire de France de la classe de seconde jusqu’à la terminale. (Un homme auquel je voue aujourd’hui encore respect et admiration.) La défaite de Waterloo ne me chagrine pas. Bien au contraire : elle me réjouit, puisqu’il signifia la fin d’un pouvoir tyrannique, expansionniste, militariste. Certes, d’autres tyrans furent les vainqueurs de la très longue guerre qui avait mis l’Europe à feu et à sang. Monarques et empereurs en tout point semblables à celui qui fut d’abord Bonaparte. Mais l’Empire m’apparaît comme la négation de la République, le contrepoint des valeurs qui s’étaient incarnées dès l’été 1789 dans la Révolution. Une refondation d’une monarchie autour d’un personnage dont l’évocation du mythe ne me concerne pas.

Dans ce qui reste aujourd’hui encore « le » débat qui oppose ici, en Corse, les partisans de Napoléon et ceux de Pasquale Paoli, je me range bien évidemment du côté des seconds. Pasquale Paoli tenta d’instaurer en Corse la première démocratie moderne. Sous son autorité se réalisa la première rupture, celle qui permit non seulement au peuple corse de s’affranchir mais qui lui conféra également le pouvoir de déléguer à ses représentants la gestion des affaires communes, le tout assorti de la séparation des pouvoirs et, me semble-t-il, le droit de vote accordé aux femmes. Le paradoxe ne se trouve-t-il pas dans la glorification de Napoléon Bonaparte, tandis que l’Histoire qui s’enseigne en France ignore jusqu’au nom de Pasquale Paoli ? Alors que le premier, devenu Consul, n’eut de cesse de détruire la République tandis que le second, dans un contexte pourtant très difficile, chercha à en ériger les fondations ? Je remercie Henri Manceau de ne m’avoir jamais conduit à admirer (voire même à vénérer) Bonaparte puis Napoléon. Même s’il n’évoqua jamais le nom de Pasquale Paoli, lequel ne me devint familier que le jour où, pour la première fois, je posai le pied sur la terre Corse et que je m’arrêtai à Isula Rossa devant le buste de l’homme qu’ignorent les livres d’histoire remis à tous les écoliers français.

Waterloo. Morne plaine. Il m’advient de rêver que les armées de notre Guerroyant Monarque subissent quelques défaites sur les théâtres des combats qu’elles mènent contre un ennemi qui n’a les moyens d’exister que grâce aux généreux subsides que leur octroient de bons amis et de fidèles alliés de François (et accessoirement acheteurs d’armements fabriqués dans les arsenaux franchouillards). Ne serait-ce que pour tempérer les ardeurs bellicistes de l’ancien Enarchiant qui voit dans l’acte guerrier et les discours patrioticards qui l’accompagnent l’improbable instrument de la reconquête d’une popularité ancrée au niveau le plus bas si j’en crois les études des sondouilleurs. Un Waterloo ou mieux encore un Fachoda. Mornes dunes de sable. Les engalonnés faisant allégeance à leurs vainqueurs. Encore qu’il ne s’agisse que d’engalonnés intermédiaires, ceux de tout en haut restant, eux, derrière les murailles de leurs inexpugnables citadelles. Alors que ceux qui accompagnèrent Napoléon (si j’en crois la légende) n’hésitaient pas à ferrailler au cœur de la mêlée. (Les engalonnés d’aujourd’hui rêvent de guerres dronatiques, guerres au cours desquelles il serait inutile de tenter de séparer le bon grain de l’ivraie, puisque ces guerres-là seraient qualifiées de « civilisationnelles » vu qu’elles opposeraient l’Occident éminemment chrétien mais si peu démocratique aux mécréants et aux barbares qui se pressent à nos frontières et manifestent déjà l’indécent culot qui les pousse à s’insinuer parmi nous.)

Morse Taquin me convainc que l’action politique relève plus que jamais de la scapinerie la plus vulgaire. Ses ennuyeuses anticipations sur le déroulement des élections régionales de décembre prochain mettent en scène des personnages qui conjuguent la flagornerie, la médiocrité et l’obscénité.  La flagornerie qui agit en reflet du mépris qu’ils portent à leurs mandants. La médiocrité en raison de la vacuité de leurs propos. L’obscénité à travers cette manière qu’ils affichent de s’ériger en sauveurs suprêmes de ce qui, de toute façon, avec ou sans eux, périclitera. Tel José Rossi, vieille baderne qui s’illustra au sein des gouvernementeries d’hier, rangé aujourd’hui encore sous la bannière du sarkozysme et désireux, vu son âge vénérable, de régner une dernière fois sur la Corse et sa future collectivité territoriale. Ce bientôt cadavre politique persiste et tente d’occuper le devant d’une scène corse sur le devant de laquelle tant de pantins jouent et rejouent de désuètes et pourtant mortifères partitions. José Rossi ne se différencie en aucune manière du personnel politique franchouillard. Rusé, matois, calculateur, il n’a d’autre motivation que de greffer à son curriculum vitae un ultime paragraphe qui lui vaudra le jour de ses (point trop lointaines ?) obsèques la reconnaissance de ses pairs pour avoir si peu et si mal servi le Peuple. Un quelconque Didier Barbelivien composera alors un Requiem à sa gloire. Tant il est vrai que de la médiocrité ne peut naître que la médiocrité.

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