Talibans?

Dimanche 24 août.

L'aube frémit à peine.

Je somnole.

Tout plein de rêveries singulières.

Lorsque, tout à coup: taratataratata.....!!!!!!!!!!!

Ca mitraille tant et plus.

Mon sang ne fait alors qu'un tour: les talibans débarquent à Palavas.

La semaine fut si agitée qu'il est normal d'imaginer tout de suite le pire.

Radios, télévisions, presse écrite, jusqu'au Libre Midi n'ont point lésiné sur les moyens pour nous tenir informés sur les effets secondaires de la guerre.

Il est donc logique que je subisse le contrecoup du matraquage médiatique, que j'en vienne, sans même prendre le temps de la réflexion, à envisager l'irruption d'une bande de talibans montant à l'assaut de notre superbe, de notre imprenable Redoute.

Je n'ai dès lors qu'une seule idée en tête: courir à son secours, m'engager à son côté dans le combat des Forces du Bien contre les Forces du Mal.

Lui.

Cet homme exemplaire.

Ce Héros au sourire si doux.

Seul, au sommet des remparts, dans une tentative désespérée pour repousser les assaillants. Déversant ici de l'huile bouillante, tiraillant là avec une antédiluvienne escopette.

Je tirebouchonne les bandes molletières dont j'ai hérité de mon grand-père Edouard qui s'évita la Marne et Verdun. J'endosse la musette qui contient les reliques militaires que me légua mon papa Gabriel qui, lui, ne s'évita pas grand'chose. J'emporte un camembert bourguignon, deux quignons de pain de chez Eugène et une bouteille de rosé languedocien.

Je dévale les escaliers.

Merdre!

J'ai oublié les clefs!

Le Héros est-il mort?

Non! Ca mitraille tant et plus.

Le Héros tient tête à la meute des assaillants. La Redoute, c'est son affaire! C'est lui qui l'a érigée ici, sur ces terrains aimablement cédés par la République reconnaissante! Pierre après pierre. Une brouette. Une pelle. Une truelle. Un peu de ciment. La Redoute, il en connaît chaque recoin. L'envahisseur n'a qu'à bien se tenir. On ne la fait pas un homme que Monsieur le Préfet vient tout juste de décorer du Mérite Maritime, un Héros qui n'attend plus que la Croix de Guerre et la Légion d'Honneur.

Je récupère les clefs.

Je redécavale les escaliers, malgré les bandes molletières qui se détirebouchonnent.

Je franchis le seuil.

Mon voisin, qui rentre d'une goguette nocturne, m'arrête et m'interroge: "Où tu cours comme ça?"

Je rétorque: "T'es sourd? T'entends pas? La guerre? Les talibans?"

"Quoi?", qu'il me dit mon voisin. "La guerre? T'as fait un mauvais rêve? C'est juste les chasseurs qui mitraillent les canards!"

Les canards!

Promis: je jette à la décharge les postes de radio et de télévision, et je n'achète plus le moindre journal. Sauf, et sous condition qu'il paraisse encore "Le Chasseur Français"!

Reste tout de même que notre Héros est un vrai Héros.

Comme dit l'autre, le Mérite Maritime, ça se mérite!