Ami remplis mon verre
Ami, remplis, mon verre
Encore un et je vas
Encore un et je vais
Non, je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Mais j'ai mal d'être moi
Ami, remplis, mon verre
Ami, remplis, mon verre
C’était hier, la liberté retrouvée.
Ou du moins ce qui dans les mains du magicien Foutriquet 1° prend les apparences de la liberté.
La liberté de se retrouver seul parmi les autres, seul face à soi-même.
Les pluies avaient déserté Montpellier.
Les gens faisaient semblant d’être heureux.
Ami, remplis, mon verre
Encore un et je vas
Encore un et je vais
Non, je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Mais j'ai mal d'être moi
Ami, remplis, mon verre
Ami, remplis, mon verre
Ami Robert, remplis mon verre.
Un calice d’Orval, la bière des trappistes du pays d’Ardenne.
Et deux cornets de frites, bien que les tiennes ne fussent pas belgiennes.
Que ma panse déborde !
La bière s’engouffre.
C’est jour de fête, non ?
Foutriquet 1° ordonna aux milichiens d’ôter les chaînes et le boulet qui entravaient mes chevilles et de leur substituer un bracelet électroniquant, beaucoup plus commode pour gagner la terrasse où tu attends, Robert, les buveurs matutinaux, petit noir, bières d’Orval ou Pietra corse, vins rouges, blancs ou rosés.
Ami, remplis, mon verre
Encore un et je vas
Encore un et je vais
Non, je ne pleure pas
Je chante et je suis gai
Mais j'ai mal d'être moi
Ami, remplis, mon verre
Ami, remplis, mon verre
Va pour une deuxième Orval, Robert.
Je me réintroduis dans ma quasi belgitude.
Le Grand Jacques chante.
Buvons à la santé
Des amis et des rires
Que je vais retrouver
Qui vont me revenir
Je ne vois que des fantômes.
Des ombres rivées aux sièges, des fauteuils dont les couleurs ont mal vieilli au cours de l’année de l’absence.
Muets.
Tout comme est muette la ville.
Tout comme est muet l’unique martinet dont le vol écrit sur le bleu du ciel des phrases que je ne comprends pas.
Deux milichiens tournent autour de la terrasse.
Muets.
Impavides.
Les rires ne me reviennent pas.
Buvons à ma santé
Que l'on boive avec moi
Que l'on vienne danser
Qu'on partage ma joie
Une joie sinistre, ponctuée de cris de souffrance.
Le corps qui n’est déjà plus, qui ne demande qu’à s’affranchir.
Je ne serai plus jamais un homme vraiment libre.