Confit

Me voici donc confit.

Non point à la façon du canard.

Encore que…

Mes deux heures d’ensiestement furent assorties de rêveries culinaires.

Un confit printanier, puisque vient de s’ouvrir la saison des asperges.

Arrosés du bon gras du canard, le confit et les asperges.

Le gras du canard, fondu, et que la mie du pain absorbera avant son transfert dans le profond de mes entrailles.

Puis les deux verres de Pécharmant qui étancheront ma soif.

Encore que le Pécharmant induit en mon cerveau le souvenir ô combien délicieux des pommes de terre à la sarladaise.

Accompagnées d’autres confits de camard et de cèpes (séchés puisque ce n’est pas la saison, puis trempés dans l’eau tiède une petite demi-heure avant de s’harmoniser avec la viande et les pommes de terre, le tout relevé de beaucoup d’ail, de thym, de sel et de poivre).

Et toujours ce Pécharmant vieux de trois ans.

Les rêveries culinaires des longs moments de l’ensiestement.

Qui point ne me rassasient.

Moi qui suis confiné (plus que confit) de par la volonté du Monarque qui prétend m’interdire de mourir d’une attaque coronavirussienne.

Alors qu’il doit cependant être agréable de mourir la panse pleine de bonnes choses, de ces choses produites en ces terroirs qui font la singularité de la nation franchouillarde.

D’un coup d’un seul.

Rupturation de l’anévrisme ou infarctuosité du myocarde, je ne choisis pas.

Mais sans aucun confinement, en homme libre, à l’heure de l’ensiestement, la bouteille de Pécharmant à portée de la main.

Un refus sans appel.

La vision de l’image quadricomique de confinés disputant de mes futures obligations de confinable m’ont soulevé le cœur.

N’y voit-on pas le Monarque, quelques engalonnés et nombre de superfétatoires entassés dans une pièce réquisitionnée afin qu’ils puissent discuter des modalités de la Guerre que la France se doit de gagner face à un ennemi cruel capable d’éliminer en deux coups de cuillère à pot les plus éminents des Egoutiers de la Raie Publique ?

Des bienfaiteurs agglutinés les uns aux autres et qui, de toute évidence, se sont serré la paluche, se sont peut-être bisouillés et ont respiré de concert durant les longues heures de leur conciliabule les mêmes miasmes.

Ces gens qui ont décrété mon confinement.

Donc ma déconfiture.

Qui me suggèrent déjà le recours au Confiteor, tant j’ai accumulé de péchés susceptibles de ternir ma réputation post-mortem.

Moi qui suis fait de très vieille viande faisandée.

Celle dont il est impossible d’extraire un confit digne de ce nom.