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12 mars 2015

Bachoteries

resulats_bac2013

 

 

 

 

 

Les brèves de tram sont parfois bien plus édifiantes que les brèves de comptoir.

Je spécifie « parfois », les usagers tout autant que les usagères du tram s’engonçant le plus souvent dans un repli solitaire sur leur(s) machineries(s) informatique(s).

Ce matin donc, je bénéficiai du rare privilège d’accoler mon fessier quelque peu fripé à celui beaucoup plus conséquent d’une flamboyante trentenaire dont le parfum s’entremêlait à celui, quoique d’essence différente, d’une autre trentenaire qui lui faisait face et qui entretenait avec la première une conversation ponctuée d’éclats de rire.

Des éclats qui dans l’ambiance particulièrement morose d’une rame matutinale me réjouirent, tant il est vrai qu’il émane trop souvent des lycéennes et lycéens un ennui conjugué à une tristesse qui me laissent penser que la fréquentation d’un établissement d’enseignement public n’induit que peu ou pas de plaisir.

C’est à partir de la station Sainte Clé aux Fesses que la conversation de mes deux voisines prit soudain une tournure plus sérieuse et que, conséquence dès lors prévisible, cessèrent les éclats de rire qui durant quelques minutes m’avaient tant réjoui.

Je prêtai alors une oreille attentive à un échange qui ne dura guère plus de trois minutes, mais qui m’apporta d’instructives informations sur les relations que papas et mamans entretiennent avec ce qui fut, voilà des lustres, une bien belle institution.

Je le retranscris non tel qu’il fut mais tel que ma mémoire me le restitue au terme d’une sieste agréable dont je subodore qu’en dépit de mon grand âge elle fut entrecoupée de rêveries érotiques.

C’est la seconde trentenaire (la dame qui donc me faisait face) qui prit tout-à-coup l’initiative d’interroger son amie ou collègue (ou les deux à la fois).

« Dis-moi ? Comment ça s’est passé pour Albert, hier matin, au lycée de l’Immaculée Conception ? 

  Bien. Du moins je le pense.

  C’est-à-dire ?

  Son dossier est recevable. L’entretien préalable à l’admission s’est terminé sur une note favorable. J’ai donc bon espoir qu’Albert entrera en septembre à l’Immaculée Conception.

  Il vaut mieux non ? J’ai entendu dire que l’Immaculée avait obtenu l’an dernier 100% de réussite au Bac.

  Oui ! C’est ce qui nous a conduits avec Raymond à tenter l’aventure. Mais un peu inquiets tout de même, tu sais. Ne sont admis en première que les élèves ayant une moyenne supérieure à 15. Or Albert se situe à peine au-dessus de ce seuil….

  Ah ?

  Oui… 15,75. A un poil près.

  Tu ne vas pas faire la fine bouche ?

  Non. Mais nous avons promis au proviseur de consolider Albert sur son seul vrai point faible, l’espagnol. Si d’ailleurs tu connais quelqu’un qui puisse lui donner des cours particuliers… »

La conversation s’interrompit alors que la tram s’arrêtait à la station conjointement fréquentée par les lycéennes et les lycéens ainsi que par les postiers et les postières.

Dans un même élan, les deux trentenaires se levèrent de leur siège respectif, murmurèrent à mon intention deux « Pardon » avant que de m’envelopper dans chacune de leurs effluves (dont subsistaient encore quelques traces à l’heure de ma sieste).

La dite conversation me fut donc particulièrement édifiante.

A double titre.

Je découvris, non une certaine stupeur, qu’un établissement d’enseignement, privé et catholique à la fois, s’arrogeait le privilège de choisir ses élèves.

Ses bons élèves.

Des élèves d’excellence qui, quelque soient le contexte et l’environnement, disposent dès la troisième de tous les atouts leur permettant d’envisager la réussite au baccalauréat.

Ce qui démontre de toute évidence que le fameux taux de cette réussite qui fait annuellement la une de tous les journaux est en quelque sorte préfabriqué.

Les établissements privés et catholiques, si j’ai bien compris les propos de la maman du jeune Albert, présélectionnent les seuls éléments dont ils ont la quasi certitude qu’ils franchiront l’obstacle sans coup férir.

Les autres, les incertains, les peu doués tout autant que les peu favorisés n’ayant, eux, d’autres recours que d’en passer par l’enseignement public.

D’où l’interrogation nimbée d’incrédulité qui me vint aussitôt à l’esprit : qu’advient-il dès lors du principe d’égalité pourtant inscrit dans le marbre de notre constitution républicaine.

D’où mon courroux.

Est-il normal de financer, avec de l’argent public, des établissements privés et catholiques qui pratiquent la discrimination ?

« Que nenni ! », m’exclamais-je !

Au lendemain des tragiques événements qui s’effacent déjà de tant de mémoires, de doctes savants suggérèrent me semble-t-il à la ministre de l’éducation qui par je ne sais trop quel artifice s’autoproclame encore nationale des mesures radicales.

Comme d’opérer des brassages sociaux, de mélanger et de réunir dans un même ensemble scolaire enfants des démunis et enfants des nantis.

Afin d’essayer d’assurer cette « réussite pour tous » qui devrait relever de notre commune ambition.

Il me fut administré ce matin la preuve que l’enseignement public et l’enseignement privé et catholique ne sont pas traités de même façon par cet Etat dont les plus hautes instances feignent pourtant d’incarner les communes valeurs.

N’est-il dès lors pas urgent et vital d’engager un combat pour que tous les enfants ne soient pas enclos dans des espaces prédéterminés par leurs origines sociales et culturelles ?

N’est-il pas urgent et vital que l’éducation redevienne pleinement nationale dans la totalité de ses prérogatives ?

Poser ces deux questions, c’est déjà y répondre, non ?

Sauf à s’accoutumer à tous les renoncements.

Donc au pire.

 

Pace è Salute !

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