Rumination

Les Veaux broutent.

Les Veaux bousent.

A l’abri, dans leurs étables.

Si lointaine la Grèce.

Surtout en ces temps si troublés, en ces temps d’incertitudes.

D’ailleurs, l’Amaigri ne formule rien d’audible sur la Grèce.

Peut-être deux ou trois lieux communs, histoire de ne chagriner ni les Affairistes ni les Banquouilleurs ?

Que les grecs se démerdent.

Soit donc, et en l’exprimant clairement : qu’ils crèvent.

Voilà bien le genre de crime contre l’humanité qui n’émeut pas grand monde.

Même à gauche, et tout particulièrement chez les supporters de l’Amaigri.

Il est vrai que les grecs se préparent à mourir à petit feu.

Ni fracas des bombes ni mitraillages.

Non.

Quelque chose de semblable à la mort douce.

Une façon fort pudique de s’éteindre sans déranger les voisins.

Alors que c’est une guerre immonde que mène le Grand Désordre Capitaliste contre le peuple grec.

Une guerre encore plus immonde que celle que lui infligea, voilà bientôt un demi-siècle, un quarteron de colonels conseillés par les sbires de la CIA.

Car cette guerre-là ne dit pas son nom.

Mais il s’agit bien d’une guerre qui a déjà privé le peuple grec de toutes ses libertés fondamentales.

Une guerre impitoyable.

Conduite par des nervis qui n’ont pas de comptes à rendre à qui que ce soit.

Banquiers de leur état.

Dont la survie est infiniment plus importante que celle du peuple grec.

Qui a le droit de crever, lui, dans l’indifférence générale.

Essayez donc d’évoquer la Grèce autour de vous !

Les regards se détournent.

Que les grecs se démerdent.

Après tout, nous ne vivons plus au temps des utopies internationalistes.

Non ! Nous survivons au temps du chacun pour soi.

Car nous ne sommes déjà plus que des survivants, promis à plus ou moins brève échéance à une destinée similaire à celle du peuple grec.

Juste une affaire de temps.

Quelques années peut-être pour que le Grand Désordre Capitaliste ait étendu son empire à l’ensemble des nations qui s’émerveillent aujourd’hui encore d’avoir préservé leur modèle social.

Plus de modèle social !

L’Âge d’or du Grand Désordre Capitaliste.

Les Peuples rendus à leur état primitif, au service de féodaux incultes mais gavés de fric.

Les serfs du siècle du nouvel Âge d’or.

Alors, les grecs, oui, les grecs, hein ?

La démocratie, c’est une histoire tellement ancienne que nos Veaux ont désormais appris à se suffire de ses apparences.

Nos Veaux regardent défiler les images des Prétendants sur les écrans des virtualités.

Nos Veaux ruminent des pensées accessoires.

Nos Veaux bousent.

Nos Veaux se bouchent les oreilles lorsqu’un incongru évoque le pays de Démosthène.

Un Veau n’a pas de frère.

Il n’est Veau que pour lui-même.

Résigné déjà à la Grande Boucherie qui conclura le siècle du nouvel Âge d’or, lorsque le Grand Désordre Capitaliste ayant enfin atteint à sa crise ultime lancera les peuples d’Europe dans des aventures insensées, plus insensées encore que celles qui jalonnèrent l’autre siècle, celui qui me vit naître.

Moi qui me sens tellement grec.

Moi qui suis nécessairement homme et qui ne suis français que par hasard.

A Voce Rivolta !