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15 mai 2020

Ne mourrez pas

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La ville.

En son agonie.

Des jalons qui répètent des slogans identiques.

Nous vous en prions, ne mourrez pas.

Nous avons besoin non pas tellement de vous mais de votre argent.

Afin que dans un premier temps survive le capitalisme puis qu’il soit ensuite en mesure de recommencer à prospérer.

Une fois de plus.

Une fois de trop.

La succession des decauneries sur les abribus.

La litanie des mots d’ordre gribouillés à chaque coin de rue.

Nous vous en prions, ne mourrez pas.

Je ne suis pas mort.

Pas encore.

Ou mort de rire, peut-être, à chaque découverte d’une decaunerie ou bien encore lorsque clignote devant moi un panneau qui clame des choses identiques, signées celles-là par Cadavéré, candidat à sa résurrection alors que sa dépouille politique se peuple de la multitude des petites bêtes grignoteuses de chairs faisandées.

La ville.

Des retrouvailles semblables à celles qui s’opèrent parfois devant les grilles d’un cimetière.

Des gueules d’enterrement

Comme dirait l’autre, le croque-mort.

La France que j’observe au fil de mon errance est celle des gueules d’enterrement.

Masquées, certes.

Mais qui reflètent déjà la monstruosité post-confinatoire.

La haine qui suinte de tant de regards.

L’envie de courir jusqu’à la première niche où un berger teuton monte la garde pour dénoncer le mauvais Français, le non masqué porteur, c’est évident, des meutes d’ennemis mortels, virus, microbes et bacilles.

Les contournements imbéciles.

Pas de deux et entrechats.

Jusque devant les decauneries.

Nous vous en supplions, ne mourrez pas.

Je ne meurs pas.

Je ne suis pas mort.

Mes yeux grand ouverts découvrent des foules semblables à celles qui voilà quatre-vingt ans chantaient à l’unisson l’hymne fédérateur.

Maréchal nous voilà

Devant toi, le Sauveur de la France

Les délateurs.

Les dénonceurs.

Empressés d’éliminer de leur environnement des Juifs, des Arabes, des Pas Ressemblants, des Révoltés.

Des Gitans, sans aucun doute, mais aussi des arrière-petits fils d’esclaves, et quelques rêveurs, quelques poètes.

Emanent des rues de la ville engourdie des relents qui évoquent dans mon esprit ce temps que j’avais cru révolu.

Le temps des pogromes.

Le temps de l’étoile jaune.

Sachant que les signes distinctifs de demain seront conçus par quelques individus normalisés, formatés au cœur des matrices dont s’est dotée la Raie Publique.

De Bons Français.

Allons enfants de la Patrie

Le jour de gloire est arrivé

Du côté de Fachoda ou de la trouée de Sedan.

A Dien Bien Phu, bien entendu.

Les Belles Consciences se taisent.

Les Belles Consciences ne voient, n’entendent rien.

Un pays normalisé, peuplé de gens normalisés.

Donc prêts à accomplir le pire.

 

L’évasion ratée.

Du confiné déconfiné.

Le séjour qui ne fut pas.

Aujourd’hui, 15 mai, à Charleville, sous un soleil radieux (et toujours la fraîcheur matutinale), j’aurais convié mes compagnons de voyage à la découverte d’un pays qui n’est pas vraiment d’Ardenne (bien qu’il appartienne au département des Ardennes).

Celui d’André Dhôtel.

Qui s’étire d’est en ouest du pays lorrain jusqu’à la la Champagne.

Le Vallage.

Un pays de collines douces et de ruisseaux, de lambeaux de forêts, de bosquets, de prairies et de champs réservés aux cultures vivrières.

Un pays de brumes longues à se dissiper.

(Mes souvenirs si fragiles.

Je n’ose prétendre à l’authenticité.)

Un pays d’enfermement et de confination, un pays effroyablement abîmé par les deux guerres du siècle au quasi mitan duquel je naquis.

J’ai aimé l’œuvre d’André Dhôtel.

Œuvre dans laquelle je farfouille parfois à la façon de celui qui ne parvient pas à se défaire de son passé.

Des lumières de basse intensité, sauf au cours des journées les plus chaudes de l’été, lorsqu’un vent venu de je ne sais où balaie du ciel les rares nuages qui ont eu l’outrecuidance de s’y installer.

Mais pourquoi donc s’ancre en moi l’idée d’associer Roger Vailland à André Dhôtel ?

Ces deux écrivains-là sont étrangers l’un à l’autre, et je doute que bien que contemporains, ils aient jamais ressenti le besoin de se rencontrer !

 

 

 

 

 

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