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13 mai 2020

Semoy (et tous les autres)

B2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

13 mai.

1958.

(J’allais avoir seize ans.)

Un Général aux bras exceptionnellement longs.

Un Quarteron sous ses ordres.

Alger.

Le coup d’état militaire, sous le regard torve de Guy Mollet.

13 mai.

2015.

(J’allais avoir septante et trois ans.)

Jules.

La naissance du cadet de mes petits-fils.

 

Eole.

Le Grec.

Le vent porteur d’indociles nuées.

Quasiment noires.

Alors que si je séjournais, comme cela fut initialement prévu, sur mes terres ardennaises, je bénéficierais d’un ensoleillement généreux, assorti d’une froidure porteuse de matutinales gelées.

Le programme dont j’avais esquissé les grandes lignes en janvier dernier indiquait : Semoy/Canoë-kayak.

Ni plus ni moins.

Dans un premier temps, gagner Bouillon, en pays belgien.

La ville de Godefroy.

Cossue, la ville, mais si joliment belgienne.

Un hommage faux cul destiné à Godefroy.

De Bouillon, bien entendu.

Récupérer le frêle esquif après avoir savouré un calice d’Orval (bière servie à température ambiante) et croqué un plein cornet de frites cuites, à la mode belgienne, dans la graisse de bœuf portée à la température adéquate.

Embarquer, en compagnie de F, un ami de bientôt quarante ans.

(M et N embarquant, elles, nos compagnes, dans un second esquif.)

Nous laisser porter par le courant, non sans avoir photographié le château qui surplombe la cité.

Un coup de rame par ci, un coup de rame par là.

Le sourire narquois d’une truite qui observe le passage des navigateurs.

La succession des méandres, tous plus vicieux les uns que les autres.

Frahan, puis Alle.

Mes cent seize kilogrammes d’à peine déconfiné font bien vite faire la différence : mon esquif (qui est aussi celui de F) s’en va beaucoup plus vite que celui que pilotent à contresens nos compagnes.

Quelques rapides, plutôt lents, en cette printanière saison.

Les champs de tabac, les Belgiens étant producteurs de tabac sur les quelques terres cultivables qui bordent les rives de l’indocile affluent de la Meuse.

(Alors que de l’autre côté de la frontière, les Franchouillards qui pourtant sont Ardennais eux aussi, ne cultivent que la betterave rouge et le salsifis.)

L’esquif connaît son chemin, de méandre en rapide, de rapide en méandre.

Décapsuler deux bouteilles d’Orval.

Nous trinquons, F et moi.

A la santé de ces satanés trappistes qui ont mitonné une telle bière dont les pétillations ravissent mon estomac.

Six belles tranches de jambon cru d’Ardenne.

Douze tranches de pain de campagne (sans gluten).

Vous l’aviez deviné : des sandwichs.

Alors que l’esquif se lance dans une cavalcade insensée qui effraie une vieille truite ensommeillée.

Vresse puis Membre.

Le Gépéhesse indique que nous battons des records.

Un coup de rame par ci, un coup de rame par là.

Bohan.

Les eaux turbulentes de la Semoy sont désormais pressées de se diluer dans celles somnolentes de la Meuse.

La frontière, défrontiérisée depuis Schuman (Robert) et consorts .

Les Hautes Rivières.

La France quoi, ses betteraves rouges et ses salsifis.

Je décapsule deux nouvelles bouteilles d’Orval.

Voici le point de rendez-vous, une plage de galets où nous attendent deux Belgiens, nos guides, qui fêtent notre exploit en remplissant jusqu’à ras bord quatre calices de bière d’Orval puis trinquent à notre exploit.

Ici, aux Hautes Rivières, point de frites, mais une cacasse à cul nu mitonnée par Dame Charlotte, une accorte personne qui, il y a bien longtemps, frappa à ma porte.

Trois portions chacun et deux autres calices du nectar.

Nous avons, F et moi, le triomphe modeste, en l’instant où, près de cinq heures après notre triomphale arrivée, se présente enfin l’esquif qui transportait M et N.

M et N qui ne dégusteront pas de cacasse à cul et refuseront les calices d’Orval que leur offrait Dame Charlotte.

Retour routier à Bouillon.

La nuit efface le château du paysage si joliment belgien.

 

Un séjour manqué pour cause de coronavirus.

Des souvenirs qui s’estompent.

 

Le soleil par-dessus la Semoy.

Quelques larmes de pluie pour effacer le rimmel qui transfigurait le sourire carnassier de Cadavéré.

Montpellier.

Les fours des cuisines du Dôme retrouvent des couleurs d’incendie.

J’ai faim.

J’ai soif.

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