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12 mai 2020

Mont Olympe

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Seconde journée de la déconfination.

Les habitudes persistent.

Ce matin, entrapercevant dans le lointain (pas si lointain que cela, en réalité) une escouade de milichiens réduite à deux unités, j’ai porté machinalement ma main droite au niveau de la poche de ma veste, là où j’avais pris l’habitude d’entreposer mon Ausweis (accolé à la carte qui prétend m’identifier).

Un réflexe pavlovien.

Guten Morgen…

J’ai murmuré cela à l’instant où j’ai croisé les deux milichiens sur le trottoir où le piéton slalome entre les défécations canines, fort abondantes en cette seconde journée de la déconfination.

Guten Morgen…

Le plus petit et le plus cossu de l’abdomen des deux milichiens a levé les yeux vers moi.

Il a vu un vieillard radotant, polyphoniste solitaire, trimballant un sac dont s’extrayait le crouton d’une baguette tout juste sortie du four.

Il a amnistié le promeneur effectuant ses matutinales emplettes, le peu des choses indispensables à la survie.

 

Le ciel, lui aussi, me manifestait de la clémence.

Où donc avait-il refoulé les imposantes nuées qui, hier après-midi, m’avaient laissé imaginer l’imminence d’un épisode cévenol ?

Un rai de soleil illumina les deux mots gravés à même l’épiderme des deux serviteurs des forces chargées d’entretenir le désordre public.

POLICE NATIONALE

Quelques minutes plus tard, sur l’un des étals que venait d’installer Don Pépino, j’ai caressé dans le sens du poil trois oranges portugaises au galbe si parfait que j’en fus tourneboulé.

 

12 mai 2020.

Si rien ne s’était produit de cette manière si brutalement confinante, en ce jour qui n’a rien de particulier, à l’heure où je m’épuise (et me ridiculise) à rédiger cette chroniquouillette, je serais très probablement assis à la terrasse d’un des cafés qui agrémente les arcades de la Place Ducale, en cette cité où naquit Arthur Rimbaud.

Une bière, peut-être.

Une Ardwen.

Blonde, légère, houblonnée.

J’aurais, au préalable, longé le quai auquel un Bourgmestre de l’ancien temps avait donné le nom et le prénom du Poète.

Côté Meuse, bien entendu.

Sous les tilleuls, du moins si ma mémoire ne me trahit pas.

Lentement, à pas comptés.

Emoustillé par le souvenir de l’une ou l’autre de mes amoureuses en compagnie de laquelle je gravissais les pentes du Mont Olympe ardennais.

Quelques baisers ici, quelques baisers là.

De tétonnantes caresses.

Sous un cardigan ou sous un chemisier, selon les saisons.

D’incompressibles exaltations.

Je t’aime, un peu beaucoup.

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans

Des jaillissements inappropriés.

De fugaces indécences.

En ce 12 mai 2020, s’il n’y avait eu ni irruption soudaine du coronavirus ni confinaison, aurais-je été, puisque séjournant sur les terres de mon enfance et de mon adolescence, en mesure de gravir les pentes du Mont Olympe carolopolitain ?

Aurais-je même reconnu les paysages d’autrefois tels qu’ils se sont transformés en près de soixante ans ?

Les bosquets sont-ils restés les bosquets propices à l’échange des baisers et des caresses ?

De jolies amoureuses.

Francine, la grande sœur d’Anne-Marie Péret.

(Foutre dieu ! Francine ! Née comme moi en 1942. Donc impossible de ne pas penser à une possible filiation idéologique avec le cacochyme Maréchal !)

Lise et Claude.

Michelle.

La mémoire fonctionne plutôt bien.

Malgré des omissions.

 

Montpellier.

Si loin.

Si peu semblable à la ville que fit ériger Charles de Gonzague.

Mes deux points d’équilibre.

Les translations.

Une vie.

Si longue déjà.

 

12 mai 2020.

De confinaison en déconfinaison.

Les odeurs du terreau natal ne s’en viendront pas jusqu’à moi.

La faute à pas de chance, comme disait je ne sais plus qui.

Les senteurs douces-amères du fleuve.

Le Vieux Moulin, là où subsistent le peu des traces laissées par Arthur.

L’éternité c’est la mer allée avec le soleil

 

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