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8 mai 2020

J+53

manises

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J+53

8 mai.

Montez de la mine

Descendez des collines

Camarades

Les souvenirs affluent.

Tant il est vrai que le gamin du pays d’Ardenne fut nourri du récit des multiples actions héroïques menées par les Combattants de l’ombre, les Résistants.

Tant il est vrai qu’il sut chanter Le Chant des Partisans avant même que celui-ci ne lui fut enseigné par son instituteur, cet homme en blouse grise qui était un ami de son père.

Je ne crois pas mon tromper en affirmant cela.

Les commémorations officielles, durant ces matinées de fanfares militaires, de lever des couleurs, de discours, de chorales scolaires interprétant, sous la direction du Maître, le répertoire des œuvres patriotiques.

Des œuvres parmi lesquelles fut introduit au lendemain de la capitulation des nazis Le Chant des Partisans.

Bien que parmi les foules qui s’agglutinaient autour des monuments aux morts, devant l’empilement des gerbes tricolorisées, il y eut alors si peu de vrais Partisans.

Des souvenirs qui couvrent une période de la fin des années quarante au début des années cinquante de l’autre siècle.

Les journées consacrées, auxquelles Gabriel Blanchemanche m’associa.

Et tout particulièrement la journée du souvenir, celle où, quelles que fussent les conditions atmosphériques, nous allions nous recueillir aux Manises.

Une expédition : gagner la gare de Charleville, puis monter dans la micheline qui descendait jusqu’à Revin en suivant les méandres du fleuve, la Meuse, puis prendre en place dans un antédiluvien véhicule qui nous emportait vers l’espace sur lequel avait été érigé le monument du souvenir.

Les discours, les flonflons, les salves d’honneur.

La montée vers le sentier des tombes vides, ou plus exactement vidées par les nazis des dépouilles des martyrs.

manises 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le recueillement.

Puis la visite à un second monument, un calvaire me semble-t-il.

Et de nouveau, le recueillement.

D’autres flonflons, d’autres salves, me semble-t-il.

Des larmes.

Le souvenir des 106 victimes, pour la plupart des jeunes gens nés au pays, ce pays de labeur, ce pays de fonderies dont les fleurons avaient nom Arthur Martin ou bien encore Faure.

Dans le magma de ces souvenirs surnage ce jour où fut inauguré le Monument aux Morts, le tout étayé par les évocations dont je fus ensuite le témoin, celles que répétaient inlassablement les adultes, y compris ceux qui s’étaient si bien accommodés de la présence des nazis.

Du beau monde s’en était venu aux Manises pour cette inauguration qui fut présidée par le Président de la République, un certain Vincent Auriol.

Un évènement pour lequel Marguerite Toupet, ma mère, m’avait fait endosser mon tout premier costume (si tant est que ce premier costume n’appartienne à la légende familiale que je retranscrirais dès lors sottement ici).

Ma seule certitude c’est d’avoir entre l’âge de quatre ou cinq ans jusqu’à celui de onze ou douze ans accompagné Gabriel Blanchemanche, mon père, aux nombreuses manifestations qui d’Ardenne française en Ardenne belge et jusqu’aux confins de la Lorraine, de l’Avesnois et de la Champagne rappelaient le sacrifice des Partisans issus d’un pays occupé et muselé durant quatre ans.

Des moments d’une grande intensité au cours desquels j’ai mémorisé et intégré Le Chant des Partisans.

Ce Chant qu’il m’advient encore de fredonner non seulement dans mes moments d’indignation et de colère, mais aussi lorsque je me surprends à conjuguer le verbe Résister.

Les Manises.

L’imminente défaite des nazis.

Leurs crimes abominables, d’Oradour jusqu’aux Manises, dans leur reflux bien au-delà de la trouée de Sedan, par delà le Rhin.

Je fus nourri non seulement du souvenir de tous ces maux et des cicatrices qu’ils laissèrent dans la mémoire collective, mais aussi de cette exigence commune à tous les Partisans de bâtir un monde nouveau qui saurait se prémunir de la réémergence de la Bête Immonde.

A l’orée de mon âge de vieillesse, effectuant quelques recherches destinées à donner du contenu au bouquin que j’envisageais d’écrire, je découvris alors que sur l’autre rive du fleuve, à quelques kilomètres (à vol de corpia) des Manises , les nazis avaient érigé aux Mazures, un Judenlager, un camp de « tri », où étaient enfermés de jeunes juifs belges avant leur transfert à Auschwitz.

Nul ne conduisit jamais l’enfant que je fus jusqu’aux Mazures, jusqu’à ce camp.

Aucun adulte ne l’évoqua jamais devant lui.

La mémoire est terriblement sélective.

 

Le virus n’est pas mort.

Malgré tout, la déconfinaison est imminente.

Je brûle les Ausweis que j’avais accumulés sur mon bureau.

J’en garde toutefois un exemplaire.

Au cas où.

Les nazis qui avaient quitté Charleville au pas de course (qui n’est pas le pas de l’oie) en août 1944 s’en rapprochèrent dangereusement au cours du mois de décembre de la même année.

Lors de la bataille de Bastogne qui stoppa l’avancée vers le Rhin de l’armée américaine et provoqua un vent de panique dans la ville natale d’Arthur Rimbaud.

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