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5 mai 2020

J+50

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J+50

Je m’élargis.

J’interdis d’interdire.

Je peinturlure mes murs.

Des élans de couleurs primaires.

Du noir et du rouge.

J’avale des goulées d’air frais.

La ville s’exhume de sa torpeur.

Sur l’avenue de la Mort Subite, les engins motorisés se font déjà plus nombreux.

Leurs pilotes anticipent sur la déconfination.

Quelques jours encore et les enfants respireront à pleins poumons les gaz délétères, les gaz de la mort différée, des cancers qui prennent leur temps, qui font des cadavres que personne ne décompte.

Sur le chemin de l’école, gamins et gamines, cartables bourrés des tas de bonnes choses sorties des usines de l’alimentation uniformisée, répéteront la litanie des mots qui leur signifiera leur irrévocable condamnation.

Des mots pas beaux mais qui ne font pas peur.

Diabète, du presque joli à prononcer ce mot-là.

Obésité, quasiment évocateur, aux limites extrêmes de la sensualité.

 

La ville fut apaisée, nettoyée de ses miasmes, redevenue respirable et silencieuse.

Cinquante jours.

Et voici que s’annonce déjà le retour aux jours d’avant.

Faut savoir, mon Vieux !

Elargissement ou pas ?

L’élargissement, c’est la liberté.

La liberté de se mouvoir, donc de mettre en branle les engins motorisés puis de les engouffrer, via l’avenue de la Mort Subite, vers le centre de la cité sur laquelle Cadavéré, chaque soir, déploie le suaire qu’il a confectionné de ses mains de dentiste.

 

J’interdis d’interdire.

Les souvenirs enchantés.

Ce mois de mai de 1968.

Le temps des cerises.

Car j’ai beaucoup chanté.

Les chants révolutionnaires, les chants de luttes, bien entendu.

Au sein des chœurs prodigieux.

Seul aussi.

M’accompagnant de la guitare dont je gratouillais si mal les cordes.

Mon premier soir de mai, rue Monsieur le Prince, un dîner chez Albert Cervoni.

Quelques camarades autour d’une table.

Des vins rouges.

Des beaujolais.

Des pâtés, des saucissons, du pain, et quoi d’autre encore ?

Une joie collective qui n’anticipait sur rien.

Le bonheur tout simple qui naissait du partage et cette euphorie qui conduisait à transgresser les codes.

Nous ne savions pas.

Nous ignorions que les jours à venir seraient ceux d’une tout autre transgression, celle qui enfanta des peurs paniques chez les Maîtres du pays dirigé par le Général aux bras si longs.

Depuis lors, chaque mois de mai qui s’en revient réveille en moi le souvenir des nuits plus que des jours d’affolements multicolores.

Souvenir qui se greffe à ceux que Juliette, ma douce aïeule, avait inoculé en moi.

La Commune.

Le temps des cerises.

Il est interdit d’interdire.

 

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons…

Le monde dont je m’éloigne, ce monde au sein duquel ma présence n’a plus guère de sens.

Ce monde qui meurt, j’en ai la certitude, sans que se soient accomplies les prophéties auxquelles j’avais cru.

Ce monde dont je n’accompagnerai pas l’agonie : je suis trop vieux pour cela.

Je voudrais pas crever

Sans savoir si la lune

Sous son faux air de thune

A un côté pointu

Non, Boris, je n’exprime plus de ces exigences-là.

Toi non plus, d’ailleurs, tu n’exigeas rien lorsque tu eus terminé d’assembler les mots de ta chanson, puisque c’est Reggiani, longtemps après ta mort, qui le premiers les interpréta.

 

Il est interdit d’interdire

 

Et la Bayletterie ?

Ses plumitifs éternuent et se mouchent dans les masques qui leur ont été offerts par l’un ou l’autre des annonceurs qui ont ornementé ses pages de slogans imbéciles.

L’exploit du jour.

Des millions de masques sont arrivés en grande surface

Enthousiasme (faussement ?) puéril, la réponse aux angoisses générées durant cinquante jours par l’incapacité de se masquer et qui fit de chaque bon Français, de chaque bonne Française un ou une obsessionnelle du camouflage du nez et de la bouche.

Du côté des petites annonces « Détente », les affaires reprennent doucement. Une aubaine pour la Bayletterie. Eve, la biterroise, n’est plus seule. Sophie, Clara et Annie n’ont pas attendu le 11 mai : elles ont déjà repris le turbin !

L’art et la manière de GARDER LE MORAL !

 

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