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20 mars 2020

J+4

Italie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J+4

L’avenue de la Mort Subite est subitement devenue fréquentable pour mes poumons.

A peine quelques résidus des miasmes que crachent d’ordinaire les pots d’échappements des camions, camionnettes, berlines et autres motos qui s’essaient à gagner le centre de la cité que fréquenta, il y a fort longtemps, un certain Rabelais.

Une presque fin du monde ordinaire.

L’affolement chez le pharmacien qui me remet les médicaments que mon Référent a consignés sur une ordonnance.

Le souffrant présumé ne pénètre plus dans l’officine.

Le souffrant présumé est contenu à la marge.

Il remet la dite ordonnance à la plus jolie des pharmasseuses dont la frimousse disparaît derrière un masque pyramidal englobant les narines et les lèvres pourtant si avenantes de la gente dame.

Sauf qu’au-delà de deux souffrants présumés souhaitant obtenir la délivrance de leurs remèdes, le parcours mis en place pour permettre aux visiteurs d’atteindre la caisse provisoire provoque tant et tant de télescopages que la dispersion d’éventuels coronavirus en est de toute évidence facilitée.

Si tant est, bien entendu, que l’un ou l’autre des souffrants présumés fut porteur, sain ou malsain, du dit coronavirus.

Lequel trublion provoque en Italie la pire catastrophe sanitaire que le pays ait connu depuis l’élection de Berlusconi lequel avait concentré en lui les germes des maladies les plus redoutées par l’espèce humaine dont, et en tout premier lieu, la peste et le choléra.

Juste un mot pour ce qui concerne l’Italie (et qui dans deux ou trois jours concernera immanquablement cette autre nation exemplaire à laquelle je suis associé en dépit de mes dénégations, la France).

Lorsque le coronavirus fut détecté pour la première fois dans une cité chinoise dont le nom m’échappe (je dispose du droit de révéler publiquement de récurrentes pertes de mémoire), médiatouilleurs, commentatouilleurs et doctes savants de toutes les disciplines gaussèrent ce malheureux peuple chinois gouverné par de sanguinaires dictateurs qui révéleraient très vite à l’humanité « mondialisée » leur incapacité à maîtriser puis à venir à bout d’une pourtant anodine attaque conduite par d’innocents virus.

Si j’ai bien compris l’une des matutinales bourdineries de ce jour, il y aurait désormais plus de décès dus au coronavirus en Italie qu’en Chine.

61 millions d’Italiens.

Près d’1,4 milliards de Chinois.

Sachant que la France s’enorgueillit de toujours faire mieux que l’Italie, sa prestigieuse voisine, le pire n’est-il pas à craindre au pays de Céline et de Pétain?

Je m’interroge.

A juste titre ?

Je n’ai pas la prétention d’exprimer une opinion d’ordre scientifique.

Non, juste une inquiétude qui me taraude depuis ce jour où il me fut prescrit de me soumettre à la confination.

Une inquiétude qui se juxtapose avec des questionnements d’ordre quasiment philosophiques.

Quid de la supériorité des régimes dits démocratiques sur des dictatures d’évidence sanguinaires telles que la Chine ?

Souvenez-vous.

Les flagorneuses et imparables démonstrations répétées en boucles par nos commentatouilleurs et nos émérites savants lorsque le coronavirus se manifesta pour la première fois en Chine en cette ville dont j’ai oublié le nom !

Les sanglots longs et si compassionnels, nimbés de tout ce petit peu de suffisance qui caractérise les descendants des anciens colonisateurs et esclavagistes qui firent tant pour la grandeur de l’Occident chrétien, ces sanglots qui ruisselaient dans les micros des radios toutes inféodées aux vieilles machineries impérialistes.

(Radios, puisque depuis plus de quinze ans je me tiens à l’écart des entreprises d’intoxication mises en œuvre par toutes les chaines de télévision et qui ne visent qu’à anesthésier le Peuple.)

Je survis à ma confination.

La tête en ébullition.

Hier, j’ai tenté de lire la Jofrinette.

« Le Libé des écrivains » ont-ils titré la Chose.

Je n’ai retenu que la contribution de Francesca Melandri (une Auteure italienne dont j’ai, en d’autres lieux, recommandé la lecture du Tous, sauf moi, un roman paru chez Gallimard voilà quelques mois).

Francesca évoque la façon dont ses compatriotes ont vécu « leur » confination (et qu’ils la vivent encore).

Elle la met en parallèle avec le ressenti des Franchouillards soumis, eux, à la confination depuis seulement cinq jours.

Francesca écrit : « A un certain moment, vous vous rendrez compte que c’est vraiment dur. »

Oui, Francesca, c’est vraiment dur, très dur, et cela depuis les toutes premières heures de la confination.

L’insupportable sentiment, pour ce qui me concerne, de ne plus être maître de mon destin.

Non pour ce qui concerne mon éventuelle rencontre avec la Mort, laquelle n’est somme toute qu’anecdotique.

Mais bel et bien la privation, autoritaire, arbitraire, de mes droits de citoyen.

Dur, très dur de subir cette privation.

Même si je reste encore, mais pour combien de temps ?, en mesure d’user du langage.

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