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19 mars 2020

J+3

linguines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J+3

Surpris, étonné par le silence.

Sur l’avenue de la Mort Subite, aucun affolement matutinal.

Un bus dans le lointain.

Trois ou quatre tototomobiles.

Une moto.

Deux vélos allant dans des directions opposées mais roulant sur la même piste dite cyclable.

A huit heures quarante-cinq.

La ville se meurt ; la ville est morte.

Les Cadavérés sont entreposés à la morgue.

Philippe et Jean-Louis.

Je n’en ris pas.

J+3

Une furieuse envie de linguines aux palourdes.

J’ai des linguines dans mes réserves.

Des Barilla afin de complaire à Depardieu.

Mais point de palourdes.

En disposer m’obligerait à me rendre aux halles Laissac, soit donc vingt minutes de marche (plus vingt-trois minutes pour le retour…).

Le persil pousse devant ma fenêtre.

Mes réserves d’aulx sont conséquentes.

Les vins blancs sont bel et bien présents dans ce qui me sert de cave (du Picpoul pour la cuisson et mon ultime bouteille d’Allegro pour le repas lui-même).

J’enfle, je gonfle.

Je franchirai très bientôt le seuil des cent kilogrammes.

Au-delà de ce seuil, je ne me garantis plus rien.

Et surtout pas la survie, malgré la confinaison à laquelle je me soumets tout en ronchonnant.

Une aubaine, non, ce coronavirus ?

Quelques centaines de cadavres (voire même quelques milliers) ne dérangent pas les Puissants, lesquels ne font que feindre la compassion.

Des cadavres de pauvres, de démunis, de sans dents, d’agonisants.

Les mieux lotis ont toutes les chances, eux, de résister au virus.

Voilà ce que je me dis en ma confination.

Puisqu’il n’est plus possible d’échanger, de dialoguer.

Enclos dans une coquille même pas étanche.

Au cœur de laquelle je suis submergé d’avis scientifiques et de conseils bordéliques.

Tous plus avisés les uns que les autres.

J’ignorais que la France comptait tant et tant d’éminents spécialistes.
Ca grouille autour des micros.

Ca jacasse.

Ca se laisse bourdiner par Jean-Jacques.

(Vous ne l’ignorez pas, la « radio » de ma salle de bain date de Mathusalem et ne capte plus que la station des matutinales bourdinaisons, lesquelles sont au journalisme ce que la vérole est au bas clergé…)

Le Peuple a peur.

Il se recroqueville, s’agenouille et subit des aspersions d’une eau saumâtre que goupillonnent les vicaires du capitalisme triomphant.

Donc, une aubaine.

Un teste grandeur nature.

Etudier la capacité des valeureux descendants des Gaulois à subir les affres imposées par les Maîtres d’un pays qui ne sont que les Valets de beaucoup plus Puissants qu’eux.

Se taire.

Obéir.

Anticiper sur les exigences de ces Puissants.

Courber l’échine.

Dénoncer son voisin (ou sa voisine).

N’être plus rien qu’une ombre.

Donc un Veau.

Et puis, dans le fatras de mes lectures transversales, le pressentiment de ce qui se mitonne entre l’Elysée et Matignon.

Les discours déjà construits et qui seront ânonnés dès les premiers jours de l’automne, lorsque le virus se sera replié en de lointaines et inaccessibles contrées.

Les mots d’un vocabulaire rôdé depuis longtemps mais qui atteindront alors à une radicalité sidérante.

« Françaises, Français. Votre pays a besoin de vous. Un urgent besoin. Le virus a bien failli nous anéantir. Il nous faut reconstruire. Il vous faut reconstruire. Travaillez plus et gagnez moins. Ne vous soignez plus. Mourrez tôt si vous le pouvez. Laissez les vieux glapir. Confiez vos gosses à nos maisons de redressement, lesquelles n’ont désormais plus besoin d’Education Nationale. L’armée et la police piliers de la nation. L’état d’extrême urgence… »

J’arrête là.

Je suis dépressif.

Mais tout de même convaincu qu’un avenir à l’image de celui-ci nous pend au nez comme un sifflet de six sous.

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