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26 août 2019

Exil 11

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Vendredi 5 juillet

 

Etrange sensation que fait naître une translation sud/nord, installé que je fus dans un TGVSR (Train Grande Vitesse Singulièrement Réduite) peuplé d’individus mâles et femelles qui n’exhibaient pas le moindre désir d’échanger ne serait-ce que quelques phrases porteuses d’une empathie provisoire. Montpellier. Valence. Lyon. Dijon. La belle digue digue, la belle digue don. Même pas le temps d’y déguster le breuvage qui révulsait, paraît-il, l’œsophage d’un certain Chanoine qui fut député de la Raie Publique. Une cavalcade effrénée afin de gagner un autre quai. Une épouse et deux marmots. Des bagages. L’autre train qui eut l’élégance d’attendre de possibles retardataires. Un TGVSR (Train Grande Vitesse Supérieurement Relative), celui qui m’emporta vers le pays des Helvètes Confédérés (mais qui lâchement m’expulsa sur le quai d’une gare rurale, me signifiant ainsi de manière péremptoire qu’il m’était interdit de gagner Genève où j’aurais été en mesure de déposer anonymement dans le coffre d’une honorable institution bancaire les six euros et cinq-sept centimes que contenait mon porte-monnaie, somme modique, je le concède, mais qui dans deux ou trois siècles, enrichie des intérêts annuels, assurerait la prospérité de ma descendance.

Sinon ? Vue de la fenêtre du TGVSR (voir première définition), la France reste la France. Engoncée en ses atours traditionnels. Macronisée cependant. Ce qui transparaît dans l’empilement d’énormes cumulonimbus par-dessus les reliefs alpins (et même préalpins), annonciateurs de déferlements tempétueux sur les terroirs qui produisent quelques-uns des vins gouleyants dont je fais de temps à autre mes délices. Ceux que complètent et exaltent les mets qui génèrent chèvres, brebis, moutons, cochons et autres bovins soumis aux caprices d’éleveurs qui n’entendent rien au véganisme et autres sornettes aux relents totalitaires, des mets à ce point savoureux que je m’avère toujours incapable, à septante et sept ans de me priver plus de douze heures de leur réconfortante présence à l’heure du déjeuner et du dîner. (D’où les remontrances que m’inflige mon Référent, en particulier depuis cette nuit vieille d’à peine plus de deux semaines, nuit au cours de laquelle une virulente crise de goutte m’arracha à mon sommeil.) Comme si ma mouraison, pourtant certaine, devait être différée à un lointain incommensurable.

Donc la France. Si franchouillarde en ses médiatiques reflets. Qui dissimule plus qu’elle ne panse les affligeantes blessures qui lui furent infligées lors d’une caniculaison précoce tout autant qu’inopportune. Les vignobles dévastés, qui ne produiront pas les raisins sans lesquels le vin se tarira avant même d’avoir rempli mon verre. Foutriquet 1° le proclame : la fille ainée de l’église cathodique, alopostique et cependant romaine, cette dévergondée qui concède son cul aux plus offrants, se régénérera au cours des partouzes semblables à celles qui lui furent coutumières tout au long de sa déjà trop longue histoire.

J’ai dormi.

Tel un loir francomtois.

Gavé, évidemment de comté hors d’âge.

Aux aurores de ce jour, j’ai dans un premier temps accompagné mon petit-fils jusqu’à la porte de la coquette école communale qu’il fréquente. Puis j’ai arpenté, à pas mesurés, les rues du village. Un village propret et confortable qui tente de laisser croire que la toute proche Chuicherie s’est déjà imposée de ce côté-ci de la frontière. Je me suis ensuite arrêtée dans la boutique de l’épicière. J’y ai fait l’acquisition de quelques denrées sans lesquelles pour moi l’été n’est pas l’été. Des pêches, blanches et provençales. Des tomates ibériques. Et « L’Est Républicain ». Dont la lecture des pages régionales m’affligea. Sur une seule et même page, des informations funéraires. La mort (et donc les obsèques) de trois femmes : Monique, Marie-Louise et Suzanne. Trois malheureuses femmes, épouses et mères, soudainement passées de vie à trépas, contraignant l’anonyme plumitif rédacteur de chacune des chroniques, à faire preuve d’une imagination débordante. Je le cite.

« Monique est décédée »

« Marie-Louise n’est plus »

« Suzanne nous a quittés »

Paix aux cendres de ces dames (mais aussi à celles de « L’Est Républicain » qui servira, les frimas revenus, à allumer le feu de bois de hêtre dans la cheminée).

Pour conclure, une remarque ô combien accessoire. Dans cet exemplaire de ce quotidien régional, je n’ai trouvé aucune trace de petites annonces émanant de vertueuses dames proposant d’innocents érotomanes des services rétribués selon les modalités les plus courantes. Ni massages bienfaisants ni fougueuses turlupinades. Rien de rien. « L’Est Républicain » se distingue ainsi de la Bayletterie languedocienne, journal proxénète qui consacre, lui, chaque jour que dieu fait, de conséquents espaces destinés vanter les mérites professionnels des Samantha et autres Adélaïde, lesquelles sont dans l’obligation de lui reverser une part non négligeable de leurs revenus.

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