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30 août 2016

Chroniques corses 2016 12

Popaul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vendredi 1 juillet

 

Les regards jumeaux de Popaul. Aux couleurs toujours plus délavées. Regards croisés dans ce que je préfère considérer comme un adieu. Demain matin, à la même heure, c’est vers le coffre de la berline que se concentrera mon attention. L’empilement des bagages. Effectué comme toujours dans la précipitation. Donc exit Popaul. Les deux portraits quadricomiques ne résisteront pas aux effets collatéraux de l’ensoleillement estival, aux deux ou trois orages qui déborderont de la montagne et transformeront chaque ruelle en autant de torrents. Même les plus fidèles de ses fidèles, ceux qui lui vouent un culte de tous les instants, ceux-là passeront indifférents ou résignés devant le panneau sur lequel s’écrivit le slogan imaginé par les communicants qui œuvrèrent au service de l’homme, lequel s’était en principe doté de tous les atouts qui font les vainqueurs : « PRIMA A CORSICA ».

Marie-Hélène lui demeure fidèle. Rien dans son propos qui puisse laisser croire qu’à son tour, mais avec l’élégance qui sied à une DGS, elle cracherait dans la soupe. Interviewée dans Morse Taquin par Jeanne-Françoise Colonna, Marie-Hélène précise qu’en sept années de bons et loyaux services elle n’a rien remarqué qui ait pu lui laisser croire ou même imaginer que Popaul ait, quant à lui, dérogé à la loi. « Le « système », moi je ne l’ai jamais vu. » Donc pas de détournements de fonds publics, pas d’emplois fictifs. Juges et flics se mettent le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Marie-Hélène, qui est suspendue de ses fonctions de DGS au conseil départemental de Haute Corse, brosse d’elle-même le portrait d’une sainte et innocente fonctionnaire qui se consacra à sa si belle mission, le service public. Quadricomiquement photographiée adossée à des piles de documents qui lui confèrent le statut de l’héroïne prête à reprendre ses nobles fonctions, elle esquisse le sourire de celle qu’habite la certitude que justice lui sera bientôt rendue et que les services qu’elle dirigeait retrouveront très vite cette tête bien faite et bien pensante sans laquelle ils étaient contraints de naviguer à vue. Une irremplaçable qui selon les allégations de feue Juliette, mon aïeule, ferait bien de prendre le temps de visiter n’importe quel cimetière de Corse ou de Navarre afin d’y décompter le nombre d’irremplaçables qui, à l’insu de leur plein gré, sont désormais privés de toute utilité sociale.

La touristaison prend déjà un caractère foutrailleux en la bonne ville d’Isula Rossa. Ce matin, les embouteillages commencèrent aux alentours de dix heures dès l’entrée de la bourgade (là où elle se confond avec Monticellu). L’unique entrée (et donc l’unique sortie) d’un flot circulatoire qui s’en vient de la plaine orientale pour aboutir à Calvi. A vue de nez (que j’ai imprécis), guère plus de deux kilomètres pour traverser Isula Rossa. Distance parcourue à la vitesse de l’escargot. Pire encore ! Le parking est inaccessible. Totalement inaccessible. Entrants qui attendent qui cesse l’attente des sortants derrière la barrière censée leur accorder un sauf-conduit. L’accumulation multicolore des berlines, camionnettes et camions tous englués dans cette file immobilisée de véhicules de toutes origines dont quelques chauffeurs s’agitent, s’énervent, crachent et jurent, claquent et reclaquent des portières, brandissent vers le ciel un poing un poing si peu menaçant, interpellent des ininterpellables, Implorent une flicaillerie municipale fantôme, et puis entonnent en chœur « les gendarmes quand on a besoin d’eux, ils ne sont jamais là. » Confiant en mon animalité instinctive, je suis parvenu à insinuer ma berline dans une file réduite dont il semblait pourtant certain qu’elle ne conduisait nulle part. Sauf que ma connaissance déjà fort ancienne des lieux m’a permis de diriger la dite berline vers des routes tertiaires, des quasi sentiers muletiers, de ceux qui traversent les villages de la moyenne Balagne. Des villages qui sont tous dotés d’une église, chaque église accueillant son lot de généreux fidèles. Des fidèles qui déposent donc dans les troncs destinés à cet usage les oboles destinées à rétribuer la curetaille polonaise qui officie dans la région. Cela me prit du temps. Mais au terme d’une douzaine de visites et en usant de techniques initiées autrefois par Jean-Pierre Mocky (et concrétisées à l’écran par Bourvil), je me suis procuré la modeste somme (en petites pièces de monnaie puisqu’au paroissien n’introduit de billets de banque à l’intérieur de ces troncs faméliques) de quatorze euros et trente sept centimes. Une somme bien inférieure à celle que j’avais envisagé retirer de mon compte bancaire par le truchement d’un distributeur automatique. Mais une somme tout de même suffisante pour acquérir chez Jean-Claude et Antoine un melon, deux pamplemousses, quatre pêches, une laitue et trois tomates dites « cœur de bœuf ». Avant que de souhaiter « l’au revoir » au père et au fils, deux hommes que j’estime et dont la fréquentation me réjouit, puis de claquer deux bises sur les joues si douces de la fille de Colomba.

Dîner vespéral, hier, à Ville di Pariso. Le café du village. Ses pizzas. Plutôt réussies, quoique prétende Patrick toujours prêt à faire une omelette d’un jaune d’œuf superflu. Les belles nuits de l’été en Balagne. Suffisamment loin de la mer pour n’avoir pas à supporter l’envahissement des touristes. Se retrouver parmi les siens, d’authentiques amis. Prendre le temps de savourer des mets simples, de s’humecter le palais de quelques verres de rosé d’ici après avoir préalablement sacrifié au rite du Casa.

Les coglione s’affolent. Et si les metteurs en scène de la farce électorale du printemps 2017 accordaient une fois encore les deux rôles principaux à François et à Nicolas ? Morse Taquin accorde un peu de crédit à cette hypothèse. Une manière comme une autre d’amuser le bon peuple à dix mois d’une échéance dont la première des vertus est de ne servir à rien. A rien qui soit digne de la République, qui rende souffle à la démocratie aujourd’hui agonisante. D’ici, de Corse, là où mon regard englobe les merveilleux paysages de la Balagne, côté mer et côté montagne, là où la vie est vraiment la vie, là où les heures se décomptent selon des rythmes immuables, là où il n’est point de machinerie électronicante pour surveiller et contrôler chacun de mes faits et gestes, je réitère le serment que je formulai voilà bientôt quinze ans mais que depuis lors je n’ai pas toujours respecté : ne plus jamais participer au scrutin qui concourt à l’abrutissement du Peuple. Ni Dieu ni Maître. Ni César ni Tribun.

 

 

 

Epilogue

 

« …cercu un sognu à un finisce piu
cum'è qu'elli ch'è tu sai tu
cercu un sognu à un finisce più
ghjustu un sognu, un sognu
un sognu pè campà… »

Les voix conjuguées de Jean-François Bernardini et de Stephan Eicher…

Un rêve, oui, un rêve pour vivre…

Tenir à distance cette médiocrité qui suinte de tous les pores de la société française, vieux corps agonisant sur lequel sont penchés des médicastres qui lui transfèrent les plus abominables des poisons.

Alors oui, un rêve pour continuer à vivre…

Un sognu pè campa…

I Muvrini & Stephane Eicher " U Sognu pè Campa"

 

Pace e Salute !

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