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4 janvier 2016

Bridgeaison

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Tout plein de bons vœux dans mes escarcelles.

Celles du jour de l’An Nouveau, dont je n’use que pour les empiler.

Bonheur.

Santé.

Et voici qu’aujourd’hui même, lundi 4 janvier, Delphine s’est employée à extraire les débris d’une molaire ainsi que les racines qui l’arrimaient à la partie gauche de ma mâchoire.

« Ouvrez grand la bouche ! »

J’ai ouvert.

J’ai vu les instruments de torture virevolter à quelques centimètres de mes yeux.

La seringue, remplie d’une drogue sensée m’éviter d’inutiles souffrances.

Puis les crocs, les pinces, les extracteurs.

J’ai vu les morceaux du chicot.

J’ai vu les tampons ensanglantés.

J’ai tenté de distraire mon esprit.

Delphine et son assistante nues, penchées au-dessus de moi, examinant l’une et l’autre la plaie béante, me prodiguant leurs encouragements.

« Nono bobo… »

Enfin pas trop bobo.

Nono paracétamole.

(Du verbe paracétamoler pour les non-initiés.)

Un gramme.

Plus un gramme deux heures plus tard.

Delphine prépare une bridgeaison.

Une bridgeaison provisoire.

« Le temps de la cicatrisation avant la pose du bridge définitif », m’a précisé Delphine.

Des semaines.

Des mois peut-être.

Donc du provisoire.

Mis en place courant février.

Et ce mot-là, « provisoire », qui me renvoie à mon enfance.

Le marmot qui cheminait aux côtés de son papa dans les rues de Charleville.

Les quartiers ravagés par les bombes anglo-saxonnes durant l’été 1944.

Des cahutes érigées en toute hâte afin d’héberger celles et ceux qui avaient eu le malheur de tout perdre, sauf la vie.

Et mon papa qui me disait alors : « Le provisoire, ça dure longtemps. »

Mon papa ne s’était pas trompé : le provisoire dura longtemps.

Les cahutes, et les ponts, et tout ce qui dut se substituer à tout ce que nos Libérateurs avaient détruit.

Dix ou douze ans plus tard, l’adolescent qui cheminait dans les rues des bas quartiers de Charleville observait la décrépitude du provisoire.

La France, libre, égalitaire et fraternelle, était pourtant gouvernée par des « socialistes ».

Ceux de la SFIO.

Des garçons guère plus âgés que l’adolescent embarquaient à Marseille pour l’Algérie.

Sollicités par de gentils socialistes pour mener là-bas des opérations de « maintien de la paix ».

Guy Mollet et quelques autres.

Les socialistes.

Du provisoire qui dura sept longues années.

La guerre.

Pas drôle du tout.

Mollétollande…

Mochevalls…

Les bégaiements de l’histoire.

Les ruines.

Le désespoir.

Nono paracétamole.

Un gramme supplémentaire.

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