Oppression

Je ne sais pas si j’appartiens à « la gauche inutile ».

Je ne sais même plus si j’appartiens à la gauche.

Du moins à la gauche telle qu’elle se définit dans les proclamations de foi de ceux (beaucoup plus que celles) qui prétendent l’incarner.

Mais je sais au moins deux choses : qui sont les oppresseurs et qui sont les oppressés.

Accessoirement, j’ai également appris qui sont les alliés des oppresseurs.

Qui ?

Ceux qui gouvernent ce pays exsangue, pardi !

L’empressement qui fut celui du Grand Chambellan, ambitieux notoire, à monter en épingle l’affaire du Directeur des ressources inhumaines d’Air France est à ce titre indicatif.

Cet empressement met à nu la volonté de Celui qui jamais n’eut à souffrir de la violence exercée par les oppresseurs : réduire au silence celles et ceux qui en sont les victimes.

Ce Rastignac qui proclamait, il y a à peine plus d’un an, son amour de l’entreprise, œuvre au service de la classe des Dominants et non pas en faveur du Bien commun (ce qui devrait être l’obsession constante d’un socialiste digne héritier de Jaurès).

Un homme qui, dans l’exercice de ses fonctions, humilia tant de gens fut à son tour humilié ?

Ne s’agit-il pas là d’un juste retour des choses ?

Mais l’essentiel ne se situe pas dans cette affaire.

Pour que les Oppresseurs soient en mesure de régner enfin sans partage, il n’est pas d’autre solution que de contraindre au silence, que d’enclore dans la résignation tous ces individus qui luttent contre leur asservissement.

Le reste n’est que baliverne.

Pour les Oppresseurs, le dialogue dit social n’est tolérable qu’avec ceux qui, une fois pour toutes, ont courbé l’échine et se conforment au bréviaire néolibéral.

La vérité émane de cette caste des Puissants, et d’elle seule.

Ceux qui gouvernent ce pays exsangue, ce pays qu’ils privent d’avenir, ne sont que des supplétifs.

Ils n’en finissent pas de défigurer ce socialisme dont ils se sont réclamé pour être enfin en mesure d’exercer leur sinistre mission.

Ils voudraient contraindre la classe des Oppressés à l’acceptation d’un système dans lequel elle ne disposerait que du droit de se taire.

Donc dès que s’élèvent les voix de la contestation et de la colère, ils font chorus avec la classe des Oppresseurs.

Ils se sont à ce point renié qu’ils anticipent sur les exigences de leurs Maîtres.

Ils cherchent même à museler celles et ceux qui s’évertuent, parfois selon des modalités auxquelles je ne comprends rien, à ranimer les derniers tisons de ce qui fut le brasier socialiste.

D’où l’inepte proposition d’un referendum sur une union qui, de toute évidence, n’a plus aucun sens.

Ils assassinent Jaurès une seconde fois.

Tout en déposant des gerbes de roses rouges au pied de ses représentations iconographiques.

Je ne sais même plus si j’appartiens à la gauche.

Mais je sais qu’il est devenu urgentissime de mettre un terme à des pratiques et donc à un pouvoir qui font injure à ce que fut la gauche.

Pour que survive ce petit peu d’espoir sans lequel les Oppressés n’auraient alors d’autre recours que de se tourner vers le pire.

La bête immonde.

( Ce tête constitue une réponse à un commentaire qui me reproche de « ne pas avoir condamné explicitement l’humiliation qui fut faite à un homme ». Je ne condamne explicitement que les humiliations qui sont infligées au genre humain.)