Résister?
Faudrait-il donc se désentraver de tout esprit critique et introduire dans l’urne ce prochain dimanche le bulletin de l’un de ces candidats proclamés « républicains » en vertu de je ne sais trop quelles valeurs qui ne sont pourtant plus celles de la République ?
Faudrait-il donc se résigner à confier des mandats à ces binômes dont la suffisance, les lâchetés, l’incapacité à écouter les voix des pauvres gens sont à la racine même des maux dont nous souffrons ?
Faudrait-il s’interdire, le temps d’une élection, toute réflexion et accorder un blanc-seing à des gens dont il est patent qu’ils n’auront de cesse dès qu’ils siégeront dans je ne sais quelle assemblée aux contours indéfinis que de conduire des politiques qui font injure à l’intelligence et à la dignité du Peuple ?
Pour ma part, je le confirme, je me refuse à m’agglutiner au troupeau des Muets du Sérail.
En vérité, si l’expansion des Marinasseries a d’ores et déjà outrepassé le seuil du tolérable, c’est bel et bien en raison de l’asservissement des élites de la gauche qui n’est plus socialiste aux seules volontés des Maîtres du Grand Désordre Capitaliste.
C’est bel et bien parce que ces élites ignorent et méprisent le Peuple que les Marinasseries s’engouffrent jusque dans les moindres recoins de nos espaces de vie sociale.
Je considère qu’il est tout aussi mortifère de voter pour un candidat du Front National que pour un candidat de la droite si peu républicaine ou pour un candidat de cette gauche désentravée des belles valeurs du socialisme.
J’entends par là qu’il n’est plus, dans bien des cas, de choix qui soient dignes de ces belles valeurs, que la confusion atteint à un tel niveau qu’au bout du compte les uns ou les autres mèneront les mêmes politiques, ces politiques grâce auxquelles les Marinasseries prospèrent.
La résistance, puisque mot s’intercala dans un quelques-uns des messages que je reçus au cours de ces derniers jours, cette résistance ne peut s’organiser que dans des espaces non corrompus par les résidus fétides des festins électoraux.
Demain, Hollande, Valls et consorts ânonneront leurs sornettes coutumières pour nous expliquer que les impossibles rêves ne sont pas de leur ressort.
Ils obéiront, sans le moindre état d’âme, aux édits libellés à Bruxelles par la caste des ploutocrates, cette aristocratie puante qui a décrété la mort du Peuple Grec avant que de décréter celle de notre Peuple à nous.
Lorsque je fis usage ici ou là du mot « totalitarisme », c’est en toute connaissance de cause.
Nous vivons en effet le temps d’un totalitarisme sournois, qui n’a pas le courage politique de se reconnaître comme tel, mais qui s’impose à nous en raison du dépérissement de la démocratie, de la mainmise sur tous les leviers de l’Etat par de sinistres desperados.
Je résiste à ma manière, avec mes mots à moi, sans aucune once de confiance dans les processus électoraux, tant il est vrai que les dés y sont en règle générale pipés d’avance.
J’étouffe.
M’accablent de fulgurantes douleurs lorsque je m’essaie à imaginer le monde qui vient, ce monde dont j’ai, dont vous avez confié la construction aux Hollande, Merkel et tous ces potentats qui brandissent sous mes yeux, sous vos yeux les étendards de cette démocratie qu’ils ont vidé de sa substance.
Le Peuple Français, les Peuples Européens ne sont plus maîtres de leurs destins.
Regardez, observez ce qui se passe du côté d’Athènes.
Regardez, observez cette violence qu’exercent sur le Peuple Grec des sbires qui n’ont aucune légitimité démocratique.
L’humiliation infligée à Syriza annonce l’irruption aux apparences démocratiques de cette Aube crépusculaire si ressemblante à nos Marinasseries à nous.
Regardez, observez l’émergence un peu partout en Europe des mouvements qui sont les vecteurs de ce que le Vieux Continent connut de pire : les nationalismes.
Regardez, observez le lâche renoncement de celles et ceux qui règnent sur chacun des pays concernés.
Résister à ces dérives ne relève déjà plus du seul acte électoral, puisqu’il s’agit d’un acte qui conduit systématiquement, que nous l’acceptions ou non, les mêmes acteurs à conduire les mêmes politiques.
Que ces acteurs soient ceux d’une droite viscéralement inféodée à ce système ou bien ceux d’une gauche qui a déjà renié tout ce qui fit sa singularité.
Résister, c’est revenir vers le Peuple, se retrouver avec lui, l’écouter, parler avec lui, lui manifester l’estime et la confiance auxquels il a droit, partager ses colères, leur donner, avec lui, cette vraie consistance qui seule permettra d’imaginer les chemins d’un changement profond.
Résister, c’est revenir aux fondamentaux d’un authentique humanisme capable de conjuguer la liberté, l’égalité et la fraternité.
J’entends les plaintes et les gémissements de celles et ceux de mes amis qui contre vents et marées s’obstinent à considérer que leur vieux parti est « rénovable ».
J’appartiens à cette génération d’hommes et de femmes qui « se sont trompés cent mille fois de route », et c’est parce que j’appartiens à cette génération-là que je me sais le plus mal placé pour leur reprocher leur fidélité à la machinerie solférinienne.
Mais s’en vient un temps où s’impose l’urgence de s’extraire de la gangue, de libérer la parole, qui ne peut être, et pour reprendre celle si belle initiée par Erri de Luca, que la parole contraire, celle qui se confronte à l’ordre dominant, à la pensée totalitaire que d’autres infusent en nous depuis de trop longues années.
Pace è Salute !