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Comédies
7 mars 2015

Halles Castellane

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Halles Castellane.

Emplettes matutinales.

En solitaire.

Trois ou quatre charcuteries aveyronnaises, dont cette délicieuse saucisse de canard qui atteint au sublime lorsque son fabriquant l’a longuement laissée sécher.

Au diable l’avarice !

Trois longueurs suffiront à peine à satisfaire mes appétits.

J’observe l’étal, prêt à quémander deux ou trois fricandeaux et une tranche d’un superbe pâté de canard au foie gras lorsque la gente dame qui se promène tout en soliloquant s’approche de moi.

« Monsieur… »

La gente dame qui se promène tout en soliloquant me tend une feuille d’un papier glacé quadricomiquement imprimée.

Je le vois.

Je ne vois que lui.

Quadricomiquement souriant.

Phiphi !

Phiphi qui vante les vertus de ses féaux, candidats aux élections désormais dénommées « départementales ».

« Lui ? Non, pas lui ! Je n’en puis plus de cet hyper actif, caricature indécente de l’Autre, celui qui eut la si mauvaise idée de lui mettre le pied à l’étrier, Feu l’Irremplaçable (qu’il fallut pourtant remplacer au lendemain d’un décès aussi brutal qu’inopinable) ».

La gente dame qui se promène tout en soliloquant bat prudemment en retraite sous le regard incrédule des quelques personnes qui à l’instar de moi-même consacrent toute leur attention aux charcuteries aveyronnaises.

Pas un mot de protestation.

Mon triomphe reste cependant modeste.

Je quitte le monde de la charcuterie pour me rendre dans l’environnement des fromages.

Chez Georges.

Georges a pris une retraite bien méritée.

Mais son ombre plane toujours sur toutes les pâtes, cuites ou molles, chacune dotée de ses parfums singuliers qui ravissent mon odorat (mais qui provoquent, allez savoir pourquoi, de véhéments cris de protestation chez ma petite fille, un petit bout de quatre ans dont le nez ne supporte pas les arômes des fromages).

J’observe l’étal.

Avant-dernier arrivé au bout d’une longue file d’attente.

Du Comté, c’est certain.

Du vieux Comté.

Du Brie de Melun ?

La saison atteint à son terme, mais sait-on jamais ?

Cette tomme de brebis produite sur le Larzac et qui, la semaine dernière, agrémenta mes goûters ?

J’en suis là de mes interrogations lorsqu’une voix féminine murmure dans mon dos : « Monsieur… »

Une seconde gente dame qui se promène tout en soliloquant !

A peine plus âgée que la précédente.

Dont la main droite tend vers moi la feuille, une autre feuille mais identique à la première, de ce papier glacé quadricomiquement imprimée.

Toujours lui !

Lui !

Quadricomiquement souriant.

Phiphi.

« Foutre dieu ! Non, pas Lui…. ! »

Mon exaspération atteint alors à son comble.

Je profère soixante-neuf insanités.

Puis je me tais.

La gente dame qui se promène tout en soliloquant a pris la fuite.

Médusés, les adeptes des fromages (vaches, brebis et chèvres confondus) observent le vieillard dont la fureur a pris de court leurs propres interrogations, tant et tant qu’ils semblent désemparés devant les amoncellements de ces choses odorantes et délicieuses que je consomme sans trop de retenue.

Lorsque, quelques minutes plus tard, je m’arrête dans l’antre des deux pochetrons auxquels j’achète les vins qui complètent harmonieusement (du moins, je l’espère) mes dégustations de charcuteries et de fromages, mon âme a déjà retrouvé la sérénité qui sied à un vieillard.

Comme quoi ces deux gentes dames qui se promenaient dans les halles tout en soliloquant n’avaient pu affecter durablement, en dépit de leurs minauderies, le peu qu’il me reste d’esprit critique.

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