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11 septembre 2014

Salvador Allende

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11 septembre 1973.

Des temps si lointains qu’ils paraîtront vides de sens pour les plus jeunes de mes lecteurs.

Il est en effet de bon ton d’évoquer, lorsque l’on fait mention de ce jour si particulier, l’effroyable tragédie dont New-York fut le théâtre.

Mais moi, je m’entête, je m’obstine.

C’est à toi que je pense, Salvador, lorsqu’à la une de mon journal ou sur l’écran de la machinerie informatique s’écrit cette date-là.

11 septembre.

Voilà donc 41 ans.

Déjà.

Voilà donc 41 ans que la soldatesque chilienne, conseillée et financée à la fois par la CIA et certains grands groupes capitalistes américains, se lança à l’assaut de la Moneda.

Voilà donc 41 ans que des généraux félons usurpèrent un pouvoir que tu détenais, toi, Salvador, de par la volonté du Peuple chilien.

La longue nuit fasciste s’installa de Santiago à Valparaiso.

Avant de mourir, Salvador, tu prononças un ultime discours.

Le discours d’un homme qui ne se renia pas, qui affirma haut et fort ses convictions de socialiste.

Je reproduis ici ce discours afin que quelques consciences s’éveillent peut-être, qu’elles s’interrogent à tout le moins sur le pourquoi de l’action politique dès lors que l’on s’en réfère à ces convictions-là.

 

salvador-allende-2004-10-g

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées. Le peuple doit être vigilant, il ne doit pas se laisser provoquer, ni massacrer mais il doit défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec son propre travail une vie digne et meilleure. A propos de ceux qui ont soi-disant " autoproclamé " la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d'une façon insensée et louche mené le Chili dans le gouffre. Au nom des plus gros intérêts du peuple, au nom de la patrie, je vous appelle pour vous dire de garder l'espoir. l'Histoire ne s'arrête pas ni avec la répression, ni avec le crime. C'est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu'ils nous écrasent mais l'avenir appartiendra au peuple, aux travailleurs. L'humanité avance vers la conquête d'une vie meilleure.
     Compatriotes, il nous est possible de faire taire les radios, et je prendrai congés de vous. En ce moment sont en train de passer les avions, ils pourraient nous bombarder. Mais sachez que nous somme là pour montrer que dans ce pays, il y a des hommes qui remplissent leurs fonctions jusqu'au bout. Moi je le ferai, mandaté par le peuple et en tant que président conscient de la dignité de ce dont je suis chargé.
     C'est certainement la dernière opportunité que j'ai de vous parler. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio. Mes paroles ne sont pas amères mais déçues. Elles sont la punition morale pour ceux qui ont trahi le serment qu'ils firent. Soldat du Chili, Commandant en chef, associé de l'Amiral Merino, et du général Mendosa, qui hier avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd'hui s'est nommé Commandant Général des armées. Face à ces évènements, je peux dire aux travailleurs que je ne renoncerai pas. Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au peuple. Je vous dis que j'ai la certitude que la graine que l'on à confié au peuple chilien ne pourra pas être détruit définitivement. Ils ont la force, ils pourront nous asservir mais n'éviteront pas les procès sociaux, ni avec le crime, ni avec la force.
     L'Histoire est à nous, c'est le peuple qui la fait. Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier pour la loyauté dont vous avez toujours fait preuve, de la confiance que vous avez reposé sur un homme qui a été le seul interprète du grand désir de justice, qui jure avoir pu respecter la constitution et la loi. En ce moment crucial, la dernière chose que je voudrais vous adresser est que j'espère que la leçon sera retenue.
     Le capital étranger, l'impérialisme, ont créé le climat qui a cassé les traditions : celles que montrent Scheider et qu'aurait réaffirmé le commandant Araya. C'est de chez lui, avec l'aide étrangère, que celui-ci espérera reconquérir le pouvoir afin de continuer à défendre ses propriétés et ses privilèges. Je voudrais m'adresser à la femme simple de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous ; à l'ouvrière qui a travaillé dur et à la mère qui a toujours bien soigné ses enfants. Je m'adresse aux personnels de l'état, à ceux qui depuis des jours travaillent contre le coup d'état, contre ceux qui ne défendent que les avantages d'une société capitaliste. Je m'adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur esprit de lutte. Je m'adresse aux chiliens, ouvriers, paysans, intellectuels, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme est présent déjà depuis un moment. Les attentats terroristes faisant sauter des ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs ; face au silence de ceux qui avaient l'obligation d'intervenir, l'Histoire les jugera.
     Ils vont sûrement faire taire radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son métallique de ma voix tranquille. Peu importe, vous continuerez à m'écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d'un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et se laisser humilier. Travailleurs : j'ai confiance au Chili et à son destin. D'autres hommes espèrent plutôt le moment gris et amer où la trahison s'imposerait. Allez de l'avant sachant que bientôt s'ouvriront de grandes avenues où passera l'homme libre pour construire une société meilleure.
     Vive le Chili, vive le peuple, vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j'ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu'au moins ce sera une punition morale pour la lâcheté et la trahison. »

 

Voilà.

Tout est dit.

41 ans plus tard, le souvenir de l’homme loyal, de l’homme digne, ce souvenir n’a rien perdu en moi de ses irradiantes tonalités.

J’écoute cette voix à la fois grave, chaleureuse et fraternelle.

La voix du socialiste Salvador Allende.

L’impérialisme et le capitalisme qu’il dénonçait alors n’ont désormais plus besoin d’une soldatesque pour mettre à bas des régimes politiques non conformes à leurs exigences.

Il n’est plus besoin de terroriser les récalcitrants.

La plupart des sociétés humaines se sont résignées à survivre sous le joug capitaliste.

La contestation est à ce point marginale qu’elle est même considérée par les Puissants comme un anachronisme fréquentable.

Les socialistes d’aujourd’hui, ceux qui dirigent et orientent les politiques prétendument réformistes, ces gens-là se sont intégrés au système dominant.

Les Hollande, Valls, Fabius, Sapin et consorts ne sont que les laquais d’une classe dominante à laquelle tout doit être concédé.

Ces zélés serviteurs de la machinerie étatique n’offrent à voir ni courage ni loyauté ni lucidité : ils accomplissent les basses œuvres.

Ils ont trahi.

Ils ont trahi le Peuple qui leur concéda sa confiance.

Salvador Allende, lui, en 1973, n’avait ni menti ni trahi.

Il paya de sa vie sa fidélité à son Peuple, le respect des engagements qu’il avait formulés devant lui.

Ici, en France, quarante et un ans après les crimes perpétrés à l’autre bout du monde par une junte sanguinaire, la preuve est administrée que la cause du socialisme ne doit surtout pas être confiée à la clique des arrivistes.

Sous peine que cette cause soit dévoyée avant que d’être réduite à néant.

Ce qui, ici, en France, se produira sous peu.

Ce qui m’angoisse au plus haut point.

Tant il m’est évident que pour combler ce vide incommensurable, d’autres forces aussi fascistes que le furent celles qui firent régner voilà quarante et un ans ans la terreur sur le Chili ne parviennent à gangréner, ici, en France, l’âme d’une société acculée au désespoir.

L’heure n’est-elle pas à l’insurrection ?

Le moment n’est-il pas venu de chasser les épiciers du temple ?

 

11 Septembre 1973 - Dernier discours de Salvador Allende

 

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