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Comédies
13 août 2014

Chroniques corses 2014 (7)

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Lundi 23 juin

 

Violentes bourrasques de vent en début d’après-midi. Quelques vitres n’ont pas résisté et les battements des volets mal attachés ont scandé mes tentatives d’endormissement. Je me suis donc obligé à une lecture transversale de l’édition du jour de Morse-Taquin. Le journal hersantouilleux m’apprend que les Affairistes de Corsica-Ferries ont été « appelés » en renfort pour pallier à certains effets indésirables consécutifs à la grève des marins de la SNCM. L’appelant principal n’est autre que Popaul-Marie Bartoli, président de l’office des transports. Homme à ce point remarquable que lors du récent scrutin municipal, rendu inéligible en vertu de je ne sais quelle décision de justice, Popaul-Marie avait confié la conduite de « sa » liste à sa si avenante épouse. Bobonne fut élue. Mais Popaul-Marie, rendu entre temps à tous ses droits civiques, lui « suggéra » ensuite de démissionner. Ce que Bobonne s’empressa de faire. Un nouveau scrutin sera donc organisé cet automne, et il ne fait aucun doute que Popaul-Marie retrouvera son mandat de premier magistrat de la plus charmante des cités balnéaires insulaires. Pour l’heure, cet homme d’exception en appelle à des quasis négriers désentravés de tout ce à quoi est censé les contraindre le droit français. Mais ce bon vieux droit français , nos vaillants serviteurs de l’Etat/Mère désormais s’en contrefoutent. Le « Marché » impose, sans aucun contrôle démocratique, ses lois qu’aucun représentant d’aucun peuple n’a jamais votées. Ainsi s’impose le Grand Désordre Capitaliste, avec la bénédiction du Farfadet auquel je concédai mon suffrage un dimanche de mai 2012 sous le fallacieux plus que naïf prétexte de délivrer mon malheureux pays du pouvoir malfaisant exercé par l’Histrion qui avait épousé une aphone chanteuse d’insipides ritournelles.

Popaul-Marie Bartoli n’incarne évidemment pas la Corse à lui tout seul. Il n’est qu’un rouage de la Grande Machinerie Etatique, laquelle s’évertue à préparer un avenir radieux pour les Médéfieux et ne concède que d’indigestes miettes aux damnés de la terre, qu’elle fut celle de France ou celle de Corse. Popaul-Marie Bartoli aurait agi de même façon si le suffrage universel avait fait de lui l’Edile de Vesoul ou de Vierzon. Il ne fait qu’illustrer le pourrissement et la décadence d’une vie politique désormais désentravée du contrôle des citoyens, ce qui les confine dans le rôle subalterne de pourvoyeurs de suffrages, appelés qu’ils sont à se satisfaire du choix imbécile entre la peste et le choléra. Popaul-Marie appartient à cette classe sclérosée qui contribue à l’émergence de la phase ultime du crétinisme politique qu’incarne le parti de la Marinasseuse. Lui qui n’est rien d’autre que l’étron déposé devant les portes de la Cité par un porcelet obésifié par sa suffisance. Mais qui, à l’instar de la grenouille de la fable, s’essaie à se faire plus grosse que le bœuf. Afin que demain, peut-être, un quelconque potentat séduit par tant de larbinisme ne lui confie une sinécure de sous-chambellan.

Jean-Guy Talamoni révèle, lui, et depuis longtemps, une autre envergure, un autre potentiel sur la scène des affrontements politiciens. J’ai souvent eu et j’ai toujours beaucoup de mal à suivre les cheminements de sa pensée. La recherche d’un équilibre entre les formes de l’action légale et celles de l’action clandestine ma paraît relever de l’impossible. D’autant plus que le recours à la violence contre les symboles de l’Etat oppresseur (qu’en Corse, j’assimile à l’Etat colonialiste) a produit des effets délétères tant sur l’opinion publique corse que sur l’opinion publique continentale. Il me semble, mais je suis peut-être le plus mal placé en l’instant où je rédige ce texte, qu’il n’est qu’un seul cheminement cohérent pour atteindre au but que s’assigne Corsica Libera, celui de l’idéologie. Soit donc la capacité de gagner aux idées et aux projets politiques qui sont ceux de cette formation la majorité de l’opinion publique corse. Lorsque Jean-Guy Talamoni affirme, suite à la visite de Nanard, Grand Chef des Argousins, que « l’Etat français cherche à fragiliser la cohésion des élus corses », j’ai la quasi certitude qu’il se fourvoie. Tant il me semble évident qu’il n’existe qu’une cohésion de circonstance entre les différents courants politiques corses, une cohésion inhérente au sens de la mise en scène « spectaculaire » à laquelle et depuis belle lurette se sont familiarisées les familles politiques par ailleurs inféodées à celles qui, sur le continent, détiennent les leviers du pouvoir. D’où la nécessité de mener le combat idéologique, de définir une perspective, de proposer des objectifs intermédiaires. Ses reproches à l’égard du nouveau maire de Bastia (dont je rappelle qu’il a vaincu un pouvoir « clanique » vieux d’un siècle environ) ne seront recevables qu’a posteriori. C’est-à-dire dans l’éventualité où Simeoni s’avérerait incapable de « modifier la gouvernance de la cité » et de gagner à ses valeurs une majorité stable de citoyens. Les critiques a priori ne relèvent, à mes yeux, que du procès d’intention (assorti, peut-être, d’une tentative de règlement de compte personnel).

Sur la question de la SNCM, Jean-Guy Talamoni conclut son propos en précisant qu’il « est temps de créer la compagnie publique dont la Corse a besoin ». Soit donc un point de vue que je partage. Encore que, et puisque chaque mot a un sens, la dénomination précise d’une telle compagnie illustrera la volonté politique de ses instigateurs. Une « compagnie publique » est une société qui est mise au service de la nation, donc des citoyens. Mais dans quel cadre « national » ? Corse ? Français (si oui, il existe la SNCM) ? Voire même européen ? L’intrusion des Affairistes, conviés au festin par des Monarques empressés de soumettre nations et régions à des règles insensées édictées par les technocrates qui siègent à Bruxelles, cette intrusion s’apparente à une forfaiture. Il fut et il reste immoral et antirépublicain de confier à des Médéfieux la gestion de services publics. Or, je doute que le Monarque d’aujourd’hui daigne se résoudre à inverser le cours des choses et donc d’aider la collectivité territoriale de Corse à se doter de la « compagnie publique » dont elle a besoin.

(Je m’étais juré depuis fort longtemps de ne jamais exprimer mon intime conviction sur les questions les plus sensibles de cette Île où je coule les jours les plus heureux de mon existence. Et bien, voilà, je suis un parjure !)

 

 

 

 

Mardi 24 juin

 

Petit Bout doute de la véracité de mon récit (« Tu blagues, Nono ! »). Je le résume afin que lectrices et lecteurs soient en mesure de se faire une opinion.

Autrefois, il y a fort longtemps, les oliviers de Balagne abritaient une conséquente population de perroquets quêteurs, volatiles bigarrés qui furent importés du Pérou par un aventurier, corse bien évidemment, qui, quelques temps après s’être proclamé roi de la Limasserie, fut chassé de son trône par la soldatesque espagnole à la solde des vaticancaneurs pressés de récupérer tout l’or que recelait cette belle province. C’est sur un pédalo de fortune qu’il regagna, au terme d’une très longue et éreintante navigation, sa terre natale. La Balagne ! Où ne l’attendait pas certaine damoiselle Colomba, à laquelle il fit la cour et qu’il séduisit enfin après lui avoir murmuré moult poèmes galants. Le jour de leurs épousailles, l’ancien maître de la Limasserie offrit à la dite Colomba le couple de perroquets quêteurs qui l’avaient accompagné tout au long de sa très longue et périlleuse odyssée maritime. Dressés pour percevoir les oboles obligatoires versées par les pèlerins qui se rendaient au couvent de Tuani , les deux volatiles exotiques assurèrent très vite la prospérité de Dame Colomba et de son roublard de mari. Tant et si bien qu’aujourd’hui encore, leurs lointains descendants vivent de rentes plus que confortables. Dont un certain Popaul-Marie, vigie d’un port accueillant, et qui perçoit la dîme auprès de tous les étrangers qu’émerveillent les splendeurs du couvent. Le couple de perroquets quêteurs vécut très longtemps, plus de cent ans prétendent même les historiens du cru. Leur fort nombreuse descendance, puisque sous le ciel corse le mâle et la femelle forniquèrent tant et plus, fut initiée par leurs géniteurs au prélèvement de l’obole, une obole à laquelle aucun pèlerin se rendant au couvent de Tuani n’était en mesure de se soustraire. Ecus sonnants et trébuchants, louis d’or et autres monnaies s’accumulèrent dans les coffres de dame Colomba et de celui qui fut si brièvement roi de la Limasserie. Mais afin de se concilier les bonnes grâces des Vaticancaneurs, le couple reversait la moitié de ses gains à la tenancière du dit couvent, sœur Marie-Antoinette, une religieuse écologiquement correcte, dont la grâce, l’élégance, la beauté et même l’intelligence furent louées dans la multitude des chroniques qui narraient jusqu’aux plus infimes des péripéties qui jalonnèrent sa longue et pieuse existence. Voilà en effet plus de trois siècles qui celle qui mit au point l’huile essentielle d’immortelle dirigea d’une main de fer (mais enclose dans un gant de velours) une congrégation toute dévouée à sa cause. Les pèlerins s’en venaient de toutes les contrées de la Vaticancenerie ouïr les prêches libellés par cette maîtresse femme (mais qu’aucun pape ne daigna installer au même niveau qu’un Bossuet). Jusqu’aux dernières années de son existence, et bien que percluse de rhumatismes, gondolée des épaules et des genoux, cette quasi sainte attira en son couvent des foules considérables. Je suppose, après avoir longuement observé statues et tableaux que lui consacrèrent tant d’artistes venus de Rome et d’ailleurs, que nombre d’érotomanes se mêlèrent aux pèlerins durant les années de sa splendeur. Je me suis, en particulier, longuement attardé dans la contemplation d’une stupéfiante chute de reins et d’un galbe fessoyeux du meilleur aloi, des splendeurs que dissimulait si peu une diaphane parure d’apparence fort peu ecclésiastique. Et les perroquets quêteurs, me demanderez-vous ? Deux terrifiants incendies survenus inopinément au beau milieu de l’autre siècle décimèrent la totalité de leur population. Rôtis, calcinés, les volatiles qui, depuis des lustres, nichaient dans des oliviers centenaires. Quelques chasseurs prétendent toutefois avoir croisé un survivant, borgne et cul de jatte qui aurait (le conditionnel est de rigueur) trouvé refuge dans le tronc vermoulu d’un châtaignier quasi millénaire, d’où il s’extrairait, à l’aube à peine frémissante, non plus pour percevoir l’obole (ce qui ne l’enrichirait point, les pèlerins ayant désormais opté pour les chemins de Saint Jacques de Compostelle), mais pour picorer les cacahuètes salées abandonnées sur la terrasse de l’unique bar de Vile par les buveurs de Casanis vespéraux.

Voilà la peut-être belle histoire à laquelle Petit Bout s’est obstinée à n’accorder aucun crédit.

Sinon ?

Un plumitif hersouilleux particulièrement plumitif a pieusement recueilli les propos couillus énoncés par le Préfet (de Corse). Chacun assuma son rôle, le plumitif se tenant toutefois très en dessous des prestations de Scapin (sauf dans le domaine de la fourberie). De valet à valet, en somme. L’un commis d’office par le Grand Chef de l’Hersantouillerie, l’autre issu de la matrice étatique, celle-là même qui fournit à la machinerie totalitaire la multitude des clones nécessaires à son bon fonctionnement. Echanges courtois, et donc propos couillus tenus par le Préfet, propos calqués bien entendu sur ceux que proféra Nanard lors de son court séjour insulaire. Rappelez-vous : « L’Etat, c’est nous ! » Une vigoureuse et virile assénation destinée à terroriser ceux qui, parmi les élus corses, auraient pu être tentés d’emprunter des chemins de traverse afin d’atteindre à une très relative autonomie. « Vos gueules, les mouettes ! », leur signifie le Préfet qui applique à la lettre les consignes édictées par Nanard (qui lui-même les avait reçues du Monarque, centralisme étatique oblige). L’Etat, c’est eux. Ce qui signifie tout bêtement que le Peuple est défait de sa pourtant si légitime souveraineté. Les Enarchiants et leurs compères ont fait main basse sur la Cité. Du haut de leurs inexpugnables citadelles, les Médéfieux se frottent les mains. Les basses besognes s’accomplissent sans qu’ils n’aient jamais à s’impliquer. (Comme à la SNCM où les représentants de l’Etat/Mère, ces sinistres Enarchiants, ont bafoué et trahi leurs engagements sans le moindre scrupule.)

Voilà que m’amène à poser une brève question qui s’adresse personnellement à Jean-Guy Talamoni. Cher Jean-Guy, pourquoi le mot « capitalisme » est-il absent de votre langage (du moins de celui dont vous fîtes usage dans l’interview que j’évoquai hier) ? L’Etat n’est pas une entité abstraite, non ? L’Etat est une machinerie qui œuvre au service d’une cause. En l’occurrence, et pour notre plus grand malheur, il fut placé et le restera sans aucun doute bien longtemps encore, au service du Grand Désordre Capitaliste. J’insiste donc, cher Jean-Guy : et si la vraie défense des intérêts du Peuple Corse passait nécessairement par une lutte obstinée contre le Grand Désordre Capitaliste ?

 

 

 

 

 

Mercredi 25 juin

 

Foutre dieu ! Des gueux ont l’outrecuidance de dénoncer le mauvais sort que leur réservent les Médéfieux ! Les cheminots hier. Les intermittents du spectacle on ne sait jusque quand. Et donc, depuis hier, des marins. Ceux de la SNCM, société « nationale » contre laquelle s’acharnent, complices comme coquins, les fripouilles de TRANDEV, celles de l’Etat croupion et celles de la Caisse des Dépôts et Consignations (avatar de l’Etat/Mère). Fi du service public ! Les Affaires aux Affairistes ! Rien n’arrêtera l’élan de la modernité récessive, celle qui renvoie et l’usager et le gueux à des temps où les lois ne protégeaient que les plus puissants. La plèbe ? Les gueux ? Des moins que rien, des rien du tout. La modernité récessive, c’est d’abord éviter de mélanger les torchons et les serviettes. Les manants ne disposent d’autre prérogative que de conférer une apparente légitimité aux puissants. Lesquels affublent cela du joli nom de démocratie. « Votez, puis fermez votre gueule ! »

Les gueux, marins de la SNCM, ne l’entendent évidemment pas de cette oreille. Quoi donc ? L’Infâmelet Monarque et les sbires de TRANSDEV décrètent en leurs cabinets des délibérations secrètes la mort d’une des dernières survivances du service public ? Ils osent, ces manants, user d’un droit pourtant constitutionnel, le droit de grève. Les navires restent à quai. Les voyageurs se voient privés, eux, d’un autre droit, celui de voyager. L’Infâmelet Monarque et les sbires de TRANSDEV se bouchent les oreilles afin de ne pas ouïr les hurlements de détresse des quelques centaines de bientôt chômeurs. L’un et les autres proclament urbi et orbi que les négriers de Corsica Ferries, avec leurs rutilants rafiots, ceux sur lesquels le personnel est soumis à l’impérieuse nécessité de manier la pompe à fric depuis l’instant de l’embarquement jusqu’à celui de l’accostage, oui que ces rafiots-là feront l’affaire de tous les coglione dont le seul impératif consiste à se faire bronzer le cul et à acheter à prix d’or dans les boutiques des épiciers en gros les nouilles et la semoule qui constituent la base quotidienne de leur sustentation. L’Infâmelet Monarque et les sbires de TRANSDEV disposent, en quelque sorte, du droit de vie et de mort sur les gueux. Sauf que les gueux se souviennent qu’il existe ce droit constitutionnel que j’évoquais plus haut et qu’ils entendent en faire usage. Non pour « emmerder » le touriste, mais afin de défendre ce qui est notre bien commun, notre bien inaliénable, le service public. Je ne me connais donc pas d’autre devoir que de leur exprimer mon soutien.

En cette affaire, Morse-Taquin ménage la chèvre et le chou. Ne point heurter la susceptibilité des matelots en colère dont les réactions sont supposées imprévisibles. Mais aussi larbiner afin que les bailleurs de fonds ne prennent pas ombrage des quelques mots timidement iconoclastes rédigés à l’encre quasi invisible et qui concernent l’action ravageuse perpétrée par TRANSDEV. Mon fondement, au terme de septante et deux années de bons et loyaux services, ne tolère plus le plus infime contact avec tout papier qui suinte l’avilissement de la pensée et dont l’enfouissement dans les fosses même pas septiques de ce qui fut la belle liberté d’informer me répugne. Un état duquel se rapproche d’ailleurs la Joffrinette. Lolo n’a certes toujours pas émis la moindre flatulence. Mais ses subordonnés ont d’ores et déjà anticipé et leur régression collective prélude à des lendemains qui désenchanteront.

Les orages s’en reviennent. Quelques roulements du tonnerre en provenance de la montagne toute proche. Les habitants du Village ne s’en émeuvent pas. Pas plus que Petit Bout qui a installé son campement devant la porte de la maison.

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