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Comédies
23 juillet 2014

Antisémitisme

 

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Fort bien.
Sous la houlette de Lolo, la rédaction de Libé dénonce ce qu’elle appelle en une « Les nouveaux antisémites ».
Une dénonciation nécessaire en ces temps où il est trop facile de se laisser aller aux amalgames, de faire de chaque juif un ennemi potentiel d’Israël même lorsque ce juif réside et travaille dans un recoin autrefois paisible de la banlieue parisienne.
J’applaudis donc.
Mais je regrette que les analyses se soient limitées à la seule partie visible de l’iceberg antisémite.
Il eut été à mon sens plus pertinent de resituer la question dans une approche plus globale du problème.
La France est un vieux pays antisémite.
Il l’est resté, tant au lendemain de l’affaire Dreyfus que des quatre années de collaboration avec les nazis.
De manière plus soft, plus policée peut-être, mais sans que sur le fond la vieille haine se soit estompée, sans que l’histoire ait été revisitée afin de nous aider à comprendre les causes du phénomène puis à tenter de l’éradiquer.
Normal.
L’appareil d’état resta solidaire de ceux qui furent des relais conséquents de l’expression de l’antisémitisme.
Papon fut enterré avec tous les honneurs dus à un ancien préfet et à un ancien ministre.
Alors même qu’il donna son aval au « transfert » de quelques centaines de juifs vers ces camps où ils eurent à subir les feux de l’enfer nazi.
Bousquet resta l’ami de Tonton, alors qu’il s’était singularisé durant la même période et de même manière.
Louis-Ferdinand Céline, le plus acharné, le plus véhément, le plus odieux  des antisémites des années 30 et 40 est enseigné, comme si de rien n’était, dans les écoles de la République, sans qu’il soit expliqué aux lycéens et aux étudiants la portée des propos immondes libellés par ce « génie » de la littérature, une littérature qui mériterait d’être décortiquée afin d’y rechercher les germes d’une pensée abjecte.
Plus étrange encore le silence de Libé sur l’antisémitisme dogmatisé et donc idéologisé durant plusieurs siècles par les vaticancaneurs.
Un antisémitisme à ce point idéologisé que durant la seconde guerre mondiale, à l’exception de très rares prélats, l’église dite de France emboîta le pas au vieux maréchal et observa un pieux silence sur le sort réservé aux juifs, y compris dans les camps de concentration érigés en France.
(Il m’a fallu passer le cap de la soixantaine pour découvrir que dans mes Ardennes natales, si près du lieu où furent massacrés par les nazis en 1944 une bonne centaine de résistants, il exista un camp d’internement destiné selon la terminologie d’alors à « trier » les juifs avant leur « expédition » vers la destination finale. Ce camp fut érigé à la périphérie du petit village des Mazures, et son souvenir ne doit qu’à l’acharnement de quelques personnes de bonne volonté. Alors même que sur l’autre rive de la Meuse, un imposant monument perpétue, ce qui est normal la mémoire des résistants.)
(Autre anecdote. Dans une charmante bourgade héraultaise, si fière de son patrimoine culturel, j’avais découvert lors d’une promenade, une rue de la juiverie. Apparemment, et selon Mappy, cette rue existe toujours.)
Ce que je tente de traduire, c’est que l’antisémitisme est inscrit dans le patrimoine culturel franchouillard depuis des lustres et qu’il a continué à prospérer.
C’est de ce terreau-là que les « nouveaux antisémites » tirent l’essentiel de leur argumentation.
Même si de nouvelles générations issues d’autres cultures le nourrissent d’autres idéologies.
Sans qu’il faille, me semble-t-il, leur conférer plus d’importance qu’ils ne le méritent.
Un Dieudonné n’est « au mieux » qu’un pipi de chat ou une crotte de mouche dès lors que l’on met en parallèle ses affligeants propos et l’extrême virulence des pamphlets antisémites produits par Louis-Ferdinand Céline.
Ce que je crains, c’est qu’en montrant du doigt les « nouveaux antisémites », on ne concourt à masquer la réalité de l’autre antisémitisme, celui qui fait corps avec l’histoire de la France, celui qui s’est installé dans les profondeurs du corps social et qui se perpétue en lui.
Reste enfin une autre question que Libé n’aborde pas : n’existe-t-il pas un autre racisme, beaucoup plus violent, omniprésent, un racisme passionnel, qui ronge d’une autre façon le corps social ?
Les conversations a priori anodines qui font le charme des terrasses de cafés, les propos même pas sibyllins que tiennent de braves gens dans le tram, ces phrases qu’on lit si souvent parmi la multitude des fèces de boucs, tous ces « je ne suis pas raciste, mais… », autant de révélateurs de l’autre racisme, le racisme anti-arabe, qui imprègne et pervertit le corps social.
Il serait dangereux d’oublier cet autre racisme dont les conséquences, à court ou moyen terme pourraient bien générer des violences incontrôlables celles-là.

PS : Pour celles et ceux qui douteraient du fait que la société israélienne n’est pas cet ensemble de va-t-en-guerre que quelques fanatiques décrivent, je reproduis fidèlement le dernier paragraphe de la tribune intitulée « Ce n’est pas Tsahal qui vaincra », tribune libellée par l’écrivain israélien Etgar Keret (Libé de ce jour).
« Cette erreur est tragique. Parce qu’elle a un prix : la vie de nombreux êtres humains. Erreur d’autant plus coupable, qu’elle se répète sans fin. Cinq opérations à Gaza, un nombre énorme de cœurs ont cessé de battre, et nous, nous en sommes toujours au même point. Parfois, il semble que la seule chose qui évolue chez nous, ce soit la tolérance de la société israélienne à la critique. Au cours de la dernière opération, nous avons été témoins que, concernant la notion troublante de « liberté d’expression », les ressources de patience de la droite se sont épuisées : au cours des deux dernières semaines, des manifestants de gauche ont été roués de coups de gourdin par des gens de droite. Des pages Facebook intitulées « Mort aux gauchistes » se sont ouvertes, lançant toutes sortes d’anathèmes contre tous ceux dont l’opinion est suffisamment discordante pour retarder l’équipée triomphale de Tsahal. En fait, la voie sanglante que nous empruntons d’opération en opération n’était pas un cercle vicieux comme nous le croyions. Cette voie est une spirale. Et la direction, que cette spirale nous désigne, s’enfonce vers le bas, vers de nouveaux abîmes dans lesquels, à mon grand regret, nous aurons encore l’occasion de sombrer. »

Pace è Salute !

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