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9 juillet 2014

Chroniques corses 2014 (1)

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Jeudi 5 juin

 

Terra !

Au terme d’une traversée qui ne fut point tumultueuse. Presque paisible. Contrariée toutefois aux aurores de ce jour par l’intempestive publicité diffusée, via la télévision, en faveur de Corsica Ferries. Sur un navire de la SNCM. Pis qu’une balle tirée dans le pied bancal de la Société Nationale.

Isula Rossa. Le buste de Pasquale Paoli. Je me targue d’avoir perçu comme une sorte de clin d’œil de bienvenue. Morse-Taquin coincé sous l’aisselle droite, je feins de prendre la température de l’Île où seuls les Médéfieux semblent mécontents de leur sort.

Le Village. Me délester des bagages. Empiler les provisions. Avant de croiser quelques silhouettes familières. « Mais toi non plus tu n’as pas changé… » Roger zévacote sur sa terrasse en compagnie de trublions. Antoine a abandonné ses brebis, lesquelles somnolent à l’ombre des oliviers. Tout comme je somnole. Volets clos. Bercé par la musique qu’improvise la fontaine. Petit Bout s’est endormie sans qu’il fut nécessaire de lui raconter la très morale (et terrifiante ?) histoire de certain loup.

Le sort de l’Insignifiant Roitelet m’indiffère. Tout comme m’indiffère celui de l’époux de Kékunkimadi, marchand d’idées frelatées qui ambitionne de reconquérir le Trône (et dont le nom fut prononcé un nombre incalculable de fois par les Officiants Médiatouilleurs, médiocres larbins rétribués par une chaîne de l’information itérative dont les images me furent imposées entre croissant et petit noir au bar du Monte de Oru). La France s’accommode d’une inquiétante médiocrité. La France de ces français qui se laissent subjuguer par ces campagnes d’intoxication empreintes de menteries que les braves gens avalent sans sourciller, sans ressentir le moindre haut-le-cœur ni souffrir de la plus banale diarrhée.

 

 

 

 

Vendredi 6 juin

 

Entre le crépuscule d’un autre jour et les aurores de celui qui marque, indépendamment de ma volonté, mon passage d’un âge à un autre, l’opportunité me fut concédée de saluer quelques-uns des habitants du Village. Ceux qui appartiennent au cercle de mes connaissances, bien entendu. Dont Jean-François avec lequel j’ai grand plaisir à converser. Mais comme l’intendance demeure une priorité en raison des besoins supposés de Petit Bout, je me suis imposé un court séjour à Isula Rossa. Séjour assorti du bonheur de fréquenter une vraie librairie. La librairie de Marie-Jo, l’Alba, une vraie librairie, un temple voué aux Livres. Un temple à l’intérieur duquel le temps ne se décompte pas. Où, sous une pile, se dissimule peut-être le roman ou le recueil de poésie ne figurant pas dans la liste des prétendus succès littéraires grâce auxquels les « grandes maisons d’édition » engrangent de substantiels bénéfices.

Morse-Taquin se nourrit des seules idées racornies qui flottent dans l’air vicié du monde de la Médiatouillerie. Ce qui explique l’insignifiance du quotidien hersantouilleux. J’ai tout de même découvert dans le fatras des choses qui ne se lisent pas que les syndicats de la SNCM avaient déposé un préavis de grève pour le 24 juin. Soit donc deux jours avant mon retour sur le Continent. Si donc les marins et les officiers confirmaient leur volonté d’engager le conflit contre les Médéfieux de TRANSDEV, j’en tirerais d’égoïstes satisfactions personnelles : celles d’une prolongation de mon séjour à l’insu de mon plein gré. TRANSDEV et son allié découillu, le batavisme si révérencieux à l’égard des puissants, ne mérite que la répudiation. Mensonges, manipulations, tricheries n’ont cessé d’accompagner le processus de destruction de ce qui, selon les principes républicains, ne relève que du service public. Lequel service n’est concevable que sous l’entière responsabilité de l’Etat. Mais l’Inconséquent Roitelet n’est en rien comparable à feu le Roi Soleil. L’Etat, ça n’est pas lui, surtout pas lui. L’Etat, c’est une machinerie qui fonctionne de manière exclusive au service des Médéfieux, la décadente aristocratie autoproclamée de ces temps que des penseurs atrophiés prétendent modernes. Donc, vive la Grève !

 

 

 

 

 

Samedi 7 juin

 

Il s’agit là d’un jeu d’une grande subtilité dont je suis désormais presque toujours le perdant. A l’heure du début présumé de la sieste, Petit Bout et son aïeul se lisent et se racontent des histoires. Le lit de Petit Bout côtoie celui de l’aïeul. Les histoires relèvent le plus souvent de l’imagination des deux protagonistes, laquelle prend ses aises et ignore le plus souvent le texte publié. L’imagination d’une enfant d’à peine plus de trois ans outrepasse celle du vieil homme souvent contraint d’abandonner la parole à sa jeune et impertinente interlocutrice. Mais l’objectif du jeu n’est pas de tester le niveau et la qualité des imaginaires respectifs. Il vise, en principe, à assurer un endormissement rapide de l’enfantelet. Force m’est faite de reconnaître que la petite fille parvient désormais à assoupir l’aïeul, lequel sombre bien vite dans un profond sommeil tandis que la voix même pas fluette s’essaie et parvient fort bien à faire vivre une multitude de personnages, dont celui de ce malheureux loup toujours voué aux gémonies.

Le Village se pare de ses plus beaux atours. On y marie. Non point civilement, mais religieusement, l’affaire républicaine s’étant réglée, paraît-il, à Paris, aux premiers jours du printemps. Le déjà époux est un enfant du Village. L’épousée dont je subodore qu’elle ne respecta point les lois immuables édictées par l’église vaticancaneuse, cette épousée-là s’en vient de la cité dont Bertrand de l’Âne Ohé fut si longtemps le premier et vibrionnant magistrat. Un somptueux, un fastueux festin se prépare dans la proximité du couvent. Un bœuf en son entier rôtit lentement depuis le début de la matinée au-dessus de flammes contenues qui ne sont pas celles de l’enfer. La dégustation de ses plus nobles morceaux s’accompagnera de mets corses et, sans aucun doute, de vins de Calvi ou de Patrimonio. Charcuteries et fromages, également corses, auront une place de choix lors des agapes destinées à durer une bonne partie de la nuit. La famille de la religieusement épousable ne lésine pas. Après avoir acquis contre moult euros sonnants et trébuchants la plus vaste demeure du Village, elle s’essaie à en conquérir les cœurs par l’intermédiaire de celui dont j’avais tiré le portrait, le petit B. qui n’avait alors guère plus de trois ou quatre ans. Mon imagination me joue peut-être, à l’instant de l’écriture, de mauvais tours. Si tel est le cas, je suis certain que la jeune épousée, touchée aujourd’hui même, aux alentours de dix-sept heures, par la grâce divine, m’absoudra de mes nombreux péchés parmi lesquels l’envie et la gourmandise ne sont pas les moindres.

Puisqu’il est, dans mon propos, question d’argent, j’exprime une seconde fois mon soutien aux salariés de la SNCM prêts à en découdre avec les ploutocrates qui tiennent les leviers de commande chez TRANSDEV. Un soutien dont se revendique, je n’en doute pas, le grand-père de la bientôt religieusement épousée, vieillard chenu aux convictions cependant bien établies et qui s’inquiéta auprès de son fils, aux alentours de 11 heures, pour savoir si celui-ci avait bel et bien fait l’acquisition de la dassaulterie quotidienne et de ses suppléments hebdomadaires. L’Etat batavisé additionne les trahisons. Toutes plus outrageantes les unes que les autres. A l’égard du Peuple, bien entendu. Qui n’a voix au chapitre que le jour où il est prié de désigner son Monarque doté d’un contrat à durée déterminée. Il serait donc hautement symbolique qu’en ce sept juin, le vieux lecteur des banalités dassaultisées conjuguasse sa voix à celle à peine chevrotante du vieux lecteur de la décadente post-julyennerie pour entonner de concert un vibrant « Ah, ça ira, ça ira ! Ah, ça ira, ça ira ! Les Aristocrates à la lanterne… ! »

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