Sébastopol

Ah les délicieux frissons !

Ceux-la même qui réveillent en chacun de nous de vieux instincts guerriers.

« De Barra, de Viala, le sort nous fait envie… »

Imaginez un peu.

L’afflux des jeunes mâles en gare de l’Est, à Paris.

Des foules bariolées qui les acclament.

Dans un mois, ils auront atteint l’Oural.

Nos pioupious.

La Russie occidentale conquise.

Mieux que Napoléon.

Infiniment mieux.

Moscou, Saint Pétersbourg, vieilles cités impériales placées sous la tutelle de nos armées triomphantes, régentées par nos vieilles ganaches à ce point réactionnaires que je m’indigne parfois des troubles relations qu’elles ont cependant noué avec notre Monarque qui fut socialiste, n’est-ce pas.

Vaincu le Tyran.

Terrassé.

Exilé.

Hébergé, choyé par un autre Tyran qui sait ?

La pleine, l’entière victoire de la Démocratie, la nôtre, qui est la soumission aux intérêts exclusifs des Médéfieux.

Mais qui est la Démocratie.

Foutrement plus démocratique que celle qui succéda à l’empire des bolcheviques.

Universelle, notre Démocratie.

Ou quasiment universelle.

Donc pleinement médéfieuse, ce qui n’est qu’un détail.

Puisque l’humanité n’a d’autre avenir que dans sa soumission à l’internationale médéfieuse.

Donc une belle guerre.

Afin d’en finir avec la tyrannie.

La tyrannie des barbares.

Ces envahisseurs d’une Crimée qui depuis belle lurette ne sait plus ce qu’elle est.

Tatare, certes, en des temps si reculés.

Puis russe.

Puis ukrainienne sous la houlette du camarade Kroutchev, ce qui ne coûta rien puisque Russie et Ukraine se confondaient alors dans le même et harmonieux ensemble, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

Jusqu’au jour où l’harmonieux ensemble s’atomisa.

Je ne me prononce pas.

Sur cette notion d’appartenance.

Il serait, me semble-t-il, plus judicieux (et plus démocratique) de demander aux habitants de la Crimée, et à seuls, d’exprimer avec qui et de quelle façon ils entendent s’unir.

Est-il logique de décréter ce qui est bon pour eux sous le prétexte que d’antédiluviens découpages les placèrent là plutôt qu’ici ?

Est-il moral que prévale le point de vue de chefs d’états si peu regardant, en des tas d’autres circonstances, sur ce qui pourrait prendre les apparences d’une morale internationale ?

Barack ? François ?

Quel monde invivable nous bricolez-vous ?

Vous qui n’avez pas su établir de frontières distinctes entre le Bien et le Mal.
Vous dont les discours entrent si souvent en contradiction avec vos agissements de politiciens inféodés à des intérêts étrangers aux Peuples qui vous ont mandaté.

Toi, François, qui a d’ores et déjà commis le crime de forfaiture en conduisant une politique qui est la négation de tes promesses de candidat.

Je l’ai déjà signifié.

Je ne me ressens d’aucune empathie à l’égard de Vladimir.

Mais il m’advient parfois de penser que vous n’êtes ni l’un ni l’autre guère plus fréquentables que lui.

Sauf que vous avez peut-être appris un peu mieux que lui à sauver les apparences.

Mais sur le fond, vous vous ressemblez.

Vous défendez, lui tout autant que vous, les intérêts des castes dominantes, celles qui règnent d’ores et déjà sur la quasi-totalité de la planète.

Les Oligarques là-bas, les Médéfieux ici.

La preuve ?

Vous disposez d’une arme absolue : le refus d’acheter dès aujourd’hui le gaz de Vladimir.

Sauf que vos Médéfieux sont les amis des Oligarques.

Donc, et entre gens de bonne compagnie, se négocieront des accords dont les Peuples ignoreront les tenants et les aboutissants.

Pourquoi d’ailleurs s’y intéresseraient-ils puisque Dolce Vita continuera à leur fournir de quoi réchauffer leur pitance ?

Durant quelques jours, les braves gens auront toutefois ressenti les délicieux frissons que génère la frousse.

La frousse d’une troisième guerre mondiale.

Mais une guerre victorieuse ponctuée par une marche triomphale de nos armées jusqu’à ces monts d’Oural que n’atteignit jamais Napoléon.

Avec, à la clé, un nouveau siège de Sébastopol ?

Pace è Salute !