COMEDIE (133)

Eh bien, dis-moi, notre Hélène, cela ressemble à une capitulation !

Le Muguet Nantais te confiera donc dans quelques jours une insignifiante mission.

Et toi, tu laisseras le terrain libre à l’Illimitable, ce substitut du frêchisme qui n’a sans doute pas lu les fables de monsieur Jean de la Fontaine…

Souviens-toi, notre Hélène, la grenouille et le bœuf…

« Une Grenouille vit un Bœuf
               Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
               Pour égaler l'animal en grosseur,
...............Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?
Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
               S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
        Tout petit prince a des ambassadeurs,
              Tout marquis veut avoir des pages. »

Encore que je ne me ressente pas de l’envie de t’accabler.

Tu as accompli ta mission.

Dans les limites très étroites de tes prérogatives.

Cernées par tes camarades qui tant te haïssaient, toi qui avais, à l’instigation de la Martine de Lille, transgressé les tabous.

Toi qui avais affronté l’Imperator lors de ces élections régionales au cours desquelles tu t’essayas à ne point trahir ce beau mot-là, « socialiste ».

Je l’ai ouïe, humée, palpée la haine dont t’accablaient ces socialistes de pacotille si empressés de picorer quelques miettes dans la main de leur Maître.

Aboyant leurs slogans, prêts à te déchiqueter.

A mes yeux, tu t’en tiras plutôt bien.

D’autant mieux que tu ne reçus pas des Solférinistes l’aide et le soutien qu’aurait dû impliquer leur engagement.

Mais voilà qu’aujourd’hui, je considère que tu sors par la plus petite des portes, celle qui t’interdit de garder la tête haute.

Tu as oublié, notre Hélène, qu’il est le plus souvent indigne de vouloir rester fidèle à une Machinerie.

Il n’est de fidélité recevable, notre Hélène, qu’au regard des Valeurs.

Des Valeurs que bafouaient celles et ceux qui en appelèrent à ta mort politique.

Des Valeurs que bafouent aujourd’hui tant de Solférinistes.

Ton renoncement m’attriste.

Sans plus.

Mais puisque tu missionneras très prochainement, dans un domaine qui t’est familier, la Santé, je tiens à t’alerter sur un problème spécifiquement montpelliérain et qui me concerne tout particulièrement.

Ce matin, aux alentours de neuf heures, je fus l’innocente victime d’une intempestive glissade.

Devant l’entrée du cinéma Gaumont.

Quasiment sous les fenêtres de la Gazouillette, là où officie un ancien maoïste sans doute fort réjoui de voir un ancien bolchevique effectuer de manière désordonnée une sorte de salto arrière avant de fracasser son vieux cul sur l’une de ces dalles qui font la singularité de la place de la Comédie.

Ceci précisé, il serait malséant ( !) de mettre en cause les conditions météorologiques.

Certes, aux premières heures de ce jour, la température frôla le zéro.

Mais ce n’est pas une quelconque plaque de verglas qui provoqua ma glissade.

Que nenni.

Ma main droite (celle avec laquelle je me réceptionnai) en porta témoignage tout autant que mon pantalon et mon parka : le sol était recouvert d’une matière grasse et gluante.

Les quelques personnes qui en ces délicats instants me portèrent assistance me le confirmèrent : oui, les dites dalles étaient bel et bien recouvertes d’une nicolinerie chimiquement impure.

Pour quelle raison ?

Mystère.

Mais ma chute, avec tout ce qu’elle aurait pu impliquer chez un vieillard (dont une fracture du mol du khéfur), doit te conduire à une réaction circonstanciée.

Je te demande donc, en tant que très bientôt missionnaire, d’exiger du maire de Cournonsec qu’il soit mis fin à ces déversements éhontés, révélateurs de pratiques indignes, commises sous l’autorité d’un individu qui fait à la fois marché de nos ordures et de quelques danseuses légères.

Je t’en remercie par avance.