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Comédies
29 août 2013

Bottes

Mon François !

 

Ta Majesté !

 

 

Je m’endormis hier soir convaincu qu’enfin les Radoteuses (et les Radoteurs) de l’information itérative avaient bel et bien entendu les premières gammes de cette musique cadencée née du martèlement des bottes sur le bitume.

Bottes ricaines, bottes franchouillardes, bottes britanniques, marchant d’un même pas sur les routes qui conduisent jusqu’à Damas.

Bottes portées par de nobles guerriers.

Bottes de sept lieues fabriquées par les plus performantes de nos usines d’armement.

Bottes destinées à parvenir en quelques enjambées sur les lieux mêmes où l’Ignoble Bachar perpétue ses abominations.

Et voilà qu’à mon réveil, la matutinale Radoteuse me susurre à l’oreille que non, tout bien réfléchi, ni Barack ni David ni toi-même, mon François, ta Majesté n’avez donné l’ordre à nos valeureux guerriers de marcher jusqu’à Damas.

Vous prenez désormais le temps de la réflexion.

Vous jugez utile de laisser du temps au temps.

Le temps nécessaire aux experts mandatés par le Machin d’enquêter et de nous dire enfin la vérité sur ce massacre qui n’est jamais que l’antépénultième de ceux que les uns et les autres ont perpétré en Syrie.

Les Bons, des démocrates en devenir, et les Méchants dont le Chef est l’Ignoble Bachar.

Mes rêves nocturnes se fracassèrent contre le mur des réalités.

Cette nuit, tu n’endossas pas, mon François, ta Majesté, ton superbe uniforme de Commandant en Chef de nos Efficientes Forces Armées.

Tu n’as pas encore endossé.

Car si les experts mandatés par le Machin apportent les preuves palpables que l’abomination résulta d’un acte prémédité par Bachar, je ne doute pas un seul instant que tu tiendras ta promesse de punir celui qui, voilà si peu d’années, fut installé, un certain 14 juillet, sur la tribune d’honneur, avenue des Champs Elysées, aux côtés de notre Monarque d’alors.

J’ose tout de même te poser une question.

Celle qui me tarabuste.

Et si les experts mandatés par le Machin nous annonçaient, samedi prochain, au terme de leurs minutieuses investigations, que le crime fut bel et bien commis, mais qu’il le fut par ceux du camp d’en face, à savoir les Bons, les démocrates en devenir ?

N’est-il pas normal, dans une démocratie digne de ce nom (la nôtre, bien entendu), de poser des questions qui débordent du cadre de la normalité consensuelle ?

Nos chers alliés occidentaux en qui se concentrent toutes les grandes vertus morales se sont tout de même lancés dans certaine guerre dont il s’avéra quelques années plus tard que leurs preuves justificatives ne relevaient que du mensonge (d’état) et de la falsification.

J’apprécie donc cette subite prudence qui vous conduit toi, mon François, ta Majesté, Barack et David à ne pas franchir prématurément la ligne rouge au-delà de laquelle la guerre devient une vraie guerre.

Oh certes, une guerre chirurgicalement parfaite.

Mais une guerre tout de même.

Une guerre qui produira ses quelques milliers, ses quelques dizaines de milliers d’innocentes victimes.

Puisque les bombes sont incapables d’effectuer le tri entre le bon grain (démocratique) et l’ivraie (dictatoriale).

Les bombes tuent, un point c’est tout.

Donc la poursuite du terrifiant, de l’insoutenable décompte.

Pour un résultat sans aucun doute aléatoire.

En témoignent les brasiers irakien et afghan.

Mais bon, je n’ignore pas qu’il est impossible de préparer une omelette (la démocratie, dans votre langage à vous trois) sans casser des œufs.

N’oublie tout de même pas, mon François, ta Majesté, d’introduire dans les discours que tu prononceras dans l’éventualité où les Mauvais auraient bel et bien fait usage de gaz mortifères, n’oublie surtout pas au lendemain de je ne sais trop quelle victoire d’introduire quelques zestes d’humilité dans tes propos.

Souviens-toi alors que tu règnes sur un pays qui s’y connaît en matière de massacres.

Un pays qui a laissé de sanglantes traces dans les livres qui relatent l’histoire si tourmentée de notre commune humanité.

Celles de l’effroyable boucherie de la première guerre mondiale, dont les instigateurs sont toujours considérés comme des héros et commémorés comme tels autour des monuments aux morts qui sont la singularité de chacune de nos villes, de chacun de nos villes.

Celles des massacres de Sétif, débutés le jour même où l’Allemagne nazie capitula.

Sétif et ses milliers, ses dizaines de milliers de morts.

Celles des massacres perpétrés à Madagascar, en 1947, à l’encontre d’un peuple qui exprimait alors son désir d’indépendance.

Madagascar et ses milliers, ses dizaines de milliers de morts, dont ceux du village de Moramanga, un village qu’une Autorité de notre belle République appela « l’Oradour malgache ».

Celles du bombardement d’Haïphong en 1946 et les milliers de morts qui en suivirent.

Un bref rappel, mon François, ta Majesté.

Un bref rappel afin que tu n’oublies surtout pas que nous n’avons pas, nous, les Franchouillards, les mains très propres.

Même si nous nous efforçons de passer notre commune mémoire à l’eau de javel afin d’en effacer les traces impures.

N’oublie pas, mon François, ta Majesté, que les générations de nos parents et de nos grands-parents vécurent, elles aussi, l’ignominie.

Alors oui, mon François, ta Majesté, introduis de l’humilité, beaucoup d’humilité dans tes propos à venir.

Et, face à ton miroir, récite-toi l’un ou l’autre poème de Prévert.

Le si bouleversant « Barbara » (« Quelle connerie la guerre »).

Ou bien encore :

« La guerre déclarée
j'ai pris mon courage
à deux mains
et je l'ai étranglée. »

 

Pace è Salute !

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