Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Comédies
22 août 2013

La Marseillaise

Alors dis-moi, la Marseillaise ?

Ils sont venus sur le Vieux Port t’offrir en août un brin de Muguet ?

Du Muguet nantais, comme il se doit ?

Fané, vacillant de la tige, désentravé de ses arômes ?

On se trucide, même à l’Estaque.

Entre gens du mauvais monde qui n’est rien d’autre que le monde qui survit du mauvais côté de la barrière .

On se trucide selon d’ancestrales coutumes.

Tout juste remises au goût du jour chez les épiciers en artillerie légère.

Rien de bien ragoûtant dans un cadavre abandonné sur le trottoir.

En cette belle année où ta cité, la Marseillaise, s’est érigée en capitale européenne de la culture.

Ils sont venus sur le Vieux Port.

Le Grand Chambellan et les Chambellans Accessoires.

Diligentés par le Monarque.

Pour vous tancer.

Toi, la Marseillaise, et tous tes petits Marseillais.

Les crève la misère des quartiers nord.

Ceux-là dont l’avenir est derrière eux depuis le jour de leur naissance.

Peut-être même avant.

Pas vrai, la Marseillaise ?

Quelle image détestable que celle d’un cadavre criblé de balles abandonné sur le trottoir.

Un cadavre qui tenta de survivre avant d’être réduit à l’état de cadavre.

Du jour de sa naissance jusqu’à l’instant prématuré de sa mort.

Puisque les cadavres qui se décomptent sur les trottoirs sont ceux de très jeunes hommes.

De l’âge de ceux que la République expédia du côté de Verdun abréger leur existence de prolétaires.

Voilà bientôt cent ans.

Aujourd’hui, et puisque nul n’est en mesure d’arrêter le progrès, on se trucide allégrement à deux pas de chez soi.

Ce qui contrarie le Monarque et ses Chambellans qui oeuvrent, eux, pour la paix civile.

La vue du sang les révulse.

Ils sont donc venus, la Marseillaise, t’offrir en août, un brin de muguet fané.

Ainsi que quelques flics et un bataillon de CRS.

Devant lesquels tu ne trousseras pas ton jupon.

Ils sont venus sur le Vieux Port, si fiers de présenter aux reporters la multitude de leurs reflets irisés par les eaux glauques qui ne sont plus celles du Grand Large.

Des eaux stagnantes.

Tout aussi stagnantes de la misère qui, depuis les quartiers Nord, suinte jusqu’au rivage.

Le sang des gosses mitraillés, lui, ne stagne pas.

A peine répandu, il est karchérisé.

Afin de sauvegarder l’image pourtant si chaotique de la très provisoire capitale européenne de la culture.

Le Grand Chambellan et les Chambellans Accessoires ont donc froncé les sourcils et même, pour le plus teigneux d’entre eux, brandi un martinet.

Ils ne veulent plus de sang sur les trottoirs de la très provisoire capitale européenne de la culture.

Ni de sang pur ni même de sang impur, la Marseillaise.

Les caniveaux débordent.

Les caniveaux débordent de toutes les déjections sur le compte desquelles le Grand Chambellan et les Chambellans Accessoires furent muets.

Celles que refoule le Conseil Généreux dont le Président est un proche du Grand Chambellan et des Chambellans Accessoires.

Présumé innocent de toutes les turpitudes dont l’accusent des juges malveillants.

Puisque, par essence, les juges qui enquêtent sur les malversations possiblement commises par des élus sont malveillants.

Un brave homme, le président du Conseil Généreux.

Sénateur.

Et socialiste.

Oui, socialiste !

Un homme qui maîtrise l’art de faire pleuvoir là où c’est toujours mouillé.

Un brave homme, je vous dis.

Un Intouchable.

Du moins durant le temps fort long dont dure une enquête qui implique quelqu’un chargé d’assumer de si hautes fonctions.

Je le concède bien volontiers : le sang n’a point coulé.

Non.

Dans cette affaire, ce qui suinte des caniveaux a une couleur et une odeur bien particulières : celles du fric.

De ton fric, la Marseillaise.

Et le fric de tous les petits Marseillais dont quelques-uns se rigidifieront sous forme de cadavres au cours des prochaines semaines et des prochains mois pour avoir tenté de survivre selon des modalités transgressives.

N’en déplaise au Grand Chambellan et aux Chambellans Accessoires si peu diserts sur les agissements de leur collègue et ami.

Publicité
Publicité
Commentaires
Comédies
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité