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6 juin 2013

Le temps des assassins

On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
− Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
− On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, − la ville n’est pas loin -,!
A des parfums de vigne et des parfums de bière...

− Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...

Le cœur fou robinsonne à travers les romans,
− Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père...
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif...
− Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

Vous êtes amoureux. Loué jusqu’à mois d’août.
Vous êtes amoureux. − Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
− Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire... !
− Ce soir-là,... − vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
− On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.

29 septembre 1870

 

Ce poème de Rimbaud,  que je dédie à la mémoire d’un gamin de 18 ans, assassiné durant cette nuit du 5 au 6 juin dans une rue de Paris.

Par qui ?

Des fachos ?

Des néo-nazis ?

Les mots réduisent, les mots détournent l’attention d’autres réalités.

Comme si ces mouvements d’extrême-droite n’étaient pas, d’abord et avant tout, les fruits de notre propre histoire.

Comme s’il fallait nous absoudre du pire et de toutes nos abominations.

Comme si nos dérives ne comptaient pour rien.

Comme si des idéologies franchouillardes n’alimentaient pas les agitations perpétrées par des groupuscules dont la présence fut tolérée, lors de récentes manifestations, et par cette droite que trop de mes amis de gauche considèrent comme républicaine, et par cette église catholique dont tant de ses Eminences caressent toujours l’insensé espoir d’en finir avec la Gueuze.

Une jeune et belle vie s’en est allée.

Le meurtre fut perpétré par un autre gamin, sans doute guère plus âgé que sa victime.

Je pleure cette jeune et belle vie.

Je rugis de colère à l’encontre de celles et ceux qui pervertirent l’esprit de l’autre gamin, celui-là qui n’est déjà plus, aux yeux de la loi, qu’un criminel.

Les vrais instigateurs du crime, celles et ceux qui propagèrent la haine, sont d’ores et déjà amnistiés.

Ils appartiennent à l’autre monde, le monde des gens que l’on dit respectables.

Alors que dans les faits, ils et elles ne sont que l’infecte lie de notre société.

 

A Vocce Rivolta !

 

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