La Commune
S’en revient le temps des cerises.
Les paroles d’une chanson, l’une de toutes premières qui se soit ancrée dans ma mémoire.
Je n’en ai jamais fini d’aimer le temps des cerises, même si c’est de ce temps-là que « je garde au cœur quelques plaies ouvertes ».
Je ne voudrais donc pas que celui de l’an grâce 2012 fasse naître de nouvelles et cruelles désillusions.
Je formule même le vœu que François le Débonnaire soit accompagné, à l’Assemblée Nationale, d’une majorité de députés.
Des députés que le Peuple Souverain est appelé à élire les 10 et 17 juin prochains.
Alors même que je séjournerai en Balagne et que je me serai sans doute égaré en forêt de Tartagine ou sur la plage de l’Ostriconi.
Mais mon devoir s’accomplira : j’ai en effet donné procuration à un ami.
Mes indications à lui formulées sont claires.
Alors que cependant règne la plus grande des confusions dans la circonscription où je suis inscrit.
Le parti socialiste n’y a pas de candidat.
Le parti de Titine et de François le Débonnaire a délégué à un Verdouilleux la responsabilité de le représenter.
Sans que ni moi ni aucun des citoyens de cette circonscription n’ait été sollicité.
Le parti de Titine et de François le Débonnaire a décrété que seul un Verdouilleux était en mesure de nous représenter à l’Assemblée Nationale.
Soit donc la négation de la Démocratie.
Le parti de Titine et de François me considère donc, et considère comme quantités négligeables les citoyens inscrits sur les listes électorales de cette circonscription.
Ce qui m’irrite au plus haut point.
J’ai donc demandé à mon ami de ne point voter en faveur du Verdouilleux, contre l’avis des notables socialistes du cru.
Le Verdouilleux appartient à une formation politique qui se situe à l’extrême droite de la gauche.
Le Verdouilleux appartient à un parti qui prétend inventer le capitalisme écologique.
(Lisez ou relisez la prose de Daniel Cohn Bendit, gourou de ce qui n’est déjà plus qu’une secte.)
Ce à quoi je ne puis consentir.
Le parti de Titine et de François le Débonnaire s’englue depuis bien longtemps dans des stratégies à courte vue.
Avant-hier, au lendemain des élections présidentielles, il cavala aux trousses de François le Béarniais et de ses Modémistes.
(Ici même, à Montpellier, l’Immense Disparu développa une pensée politique d’une incommensurable crétinerie, prétextant de l’aléatoire succès du Béarniais à la dite élection pour proposer de nouvelles alliances. Cinq ans plus tard, les cadavres des Modémistes s’empilent dans les cimetières des illusions perdues ! Leur influence est aujourd’hui à peine plus conséquente que celle d’une goutte de bave de crapaud dans les eaux de l’étang du Méjean !)
Hier, aux lendemains des élections européennes, les augures socialistes annoncèrent l’irrésistible ascension des Verdouilleux. D’où l’urgence de nouer des alliances avec eux et de favoriser la naissance à l’Assemblée Nationale d’un groupe « Europe Ecologie Les Verts ».
Ce qui les conduisit, entre autres, à m’imposer une candidature qui ne me convient évidemment pas.
Celle d’un certain Roumégas de Ville, lequel avait échoué, quelques années plus tôt, à devenir un Roumégas de France.
Donc mon ami sait pour qui il serait malsain de voter.
De voter à la droite de la gauche.
Mais les plus avisés d’entre vous me feront remarquer que la palette des choix me propose d’autres éventualités.
Certes.
Il est toutefois exclu que mon suffrage se portât sur un ami de Mémé Lenchon : là encore, le soufflé qui s’hypertrophia en avril dernier retombera très vite. La vieille clique bolchevique et les survivants des trotskismes défendent des visées divergentes. Depuis trente ans, la vieille clique bolchevique tète à la mamelle socialiste afin de préserver ses quelques bastions et « son » groupe à l’Assemblée Nationale. Quant aux survivants des trotskismes, ils noueront, dès que leurs intérêts vitaux seront en jeu, de nouvelles alliances avec tel ou tel courant socialiste susceptible de leur garantir leur survie.
Le NPA ?
N’en parlons pas.
Le NPA se situe dans un ailleurs que mon regard de myope s’avère incapable de percevoir.
Les autres ?
J’ai pratiquement effectué le tour de la question.
Du côté senestre, bien entendu.
Ne me reste dès lors qu’un Sans Etiquette !
Alors va pour un Sans Etiquette.
Ne serait-ce que pour couper l’herbe sous les pieds du Verdouilleux.
Un Sans Etiquette qui se situe tout de même un peu du côté senestre.
Point trop, mais juste ce qu’il faut.
Maire de Lattes, conseiller général et (très probablement) vice-président de l’agglomération de Montpellier, soit donc deux entités dirigées par des socialistes.
Des socialistes que je voue bien souvent aux gémonies, mais des socialistes tout de même, tous amis de François le Débonnaire.
Mon ami introduira donc dans l’enveloppe bleue le bulletin portant le nom de Cyril Meunier.
En l’occurrence, mon séjour en Balagne ne sera pas contrarié.
Pour l’heure, je m’en vais déguster un plein saladier de cerises.
Puis je fredonnerai la ritournelle que m’enseigna Juliette ma douce aïeule.
« … Et dame fortune m’en étant offerte
Ne saurait jamais calmer ma douleur… »
Quoi ?
La Commune ?
Oui, la Commune !