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Comédies
2 avril 2010

Vendredi Saint

(Suite du feuilleton......)

Vendredi matin.

Palavas-les-Flots.

"Vendredi Saint", me rappelle Pascale, la boulangère toute enfarinée dans son pétrin.

"Vendredi Saint", scande Sébastien, l'ostréiculteur dont huîtres et moules fredonnent, allez savoir pourquoi, un "Minuit chrétien" évidemment hors de saison. "C'est depuis que l'IFREMER me les a génétiquement modifiées", me l'homme de l'art.

Nicolas est le seul à ne pas mentionner ce jour si peu particulier. Nicolas le maraîcher, bio. Qui en appelle, lui, aux seins du vendredi. Ceux des palavasiennes de la plus récente génération, puisque la touriste, teutonne ou batave, évite, en cette rébarbative saison, de s'engluer dans les sables mouvants que le Lez dépose sur la grève, face à l'hôtel de ville.

Au Petit Mousse, le café de Karim réveille mes papilles. Je feuillette les trois pages d'avis de décès publiés dans le Libre Midi. A priori, le Roi des Cons a survécu à son triomphe. Puis, d'un oeil frivolant, je parcours la page dans laquelle des dames vantent les mérites de leurs petits commerces occultables.

Un bruit d'ailes attire mon attention.

Germaine.

Qui atterrit sur le fauteuil voisin du mien.

"Monsieur André, bonjour!"

"Germaine, bonjour! Mais dites-moi, vous avez ressorti les plus charmants de vos atours!"

Germaine acquiesce.

Germaine qui a poussé le raffinement jusqu'à faire usage d'un rouge à bec dont la discrétion le dispute aux délicates mais envoûtantes effluves. Et qui s'est enjabotée d'un  soutien-gorge pigeonnant tandis que se laisse entrapercevoir sous la conséquente touffe de son plumage arrière la cordelette de ce que j'imagine être un string.

Germaine rougit.

"Je vous l'avais dit, monsieur André: je ne pouvais plus attendre."

Alors Germaine n'a pas attendue.

Ce dont je ne la blâme pas: la nature a ses exigences.

Un nid.

Trois oeufs.

(Semblables aux oeufs de Pâques, d'un vert printanier moucheté de minuscules confettis marron caca d'oie.)

Une couvaison de trois ou quatre semaines.

"Avec tout ce qu'il pleut cette année, je suis partie pour mes quatre semaines Je ne vous dis pas pour mon arthrose, sans parler de mes hémorroïdes..."

J'abrège.

"Qui sera l'heureux papa?"

Germaine rougit une seconde fois.

Germaine confusionne.

"Vous ne le connaissez pas. Un certain Raymond. Oui!Raymond! Un goéland de la vieille école. Un biterrois. Un vrai de vrai. Un bourlingueur. Même qu'il est allé de là-bas jusque là. C'est tout vous dire. Un grand voyageur que la tramontane poussa jusqu'à Palavas pas plus tard qu'avant hier! Nous nous sommes rencontrés, par hasard, sur le toit de la Poste. Le coup de foudre, monsieur André! Le vrai coup de foudre. Qui m'illumine tout plein de l'intérieur. Même que j'en encoquille déjà un. Ou une..."

C'est tout beau, tout simple, la vie d'une goélande, en dépit de l'arthrose et des hémorroïdes. Ca vit maritalement avec Edouard, ça se fait féconder par Raymond....

"Mais au fait, Germaine, votre Edouard?"

Une larme.

Une larme furtive.

"Mon Edouard.... Mon pauvre Edouard..... "

Germaine boit une grande becquée dans le verre de rosé que Karim vient de déposer devant elle.

Puis une seconde (très) grande becquée.

Un sanglot.

"Il s'est installé au Cap d'Agde, monsieur André. Chez les culs nus. Vous ne le reconnaîtriez pas."

Deux sanglots successifs.

"Jacky m'a tout raconté..."

(Jacky est, en quelque sorte, sur nos rivages, le David Pujadas des goélands.)

" Mon Edouard se travestit! Chez les culs nus! Parmi tous les barbares qui migrent, du nord vers le sud, ou l'inverse. Et qui passent quelques jours en frivoles batifolaisons dans l'enceinte de l'hypermarché des sexualités débridées....."

J'essaie d'imaginer le fier goéland revêtu des atours communs à tous les travestis.

Je n'y parviens pas.

"Jacky m'a promis qu'il ferait une photo de mon Edouard. Je vous la montrerai."

Un ultime sanglot.

Une ultime gorgée de rosé.

"Bon. Il faut que j'y aille. A l'heure qu'il est, Raymond doit déjà m'attendre."

Germaine se trémousse du jabot.

"Suis-je présentable, monsieur André?"

J'opine.

"Vous êtes ravissante, Germaine Mais dites-moi, où le retrouvez-vous votre Raymond?"

Germaine sourit puis cligne de l'oeil droit.

"Surtout, vous ne le dites à personne: nous nous sommes donné rendez-vous sur le toit de la vieille traction dans laquelle se pavane monsieur Christian, notre bienfaisant bienfaiteur!"

Je cligne de l'oeil gauche.

" Je serai muet comme une carpe! Bonne journée à vous. Et à bientôt, Germaine!"

 

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