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27 mars 2010

Toc toc toc

(Ceci est la suite d'un feuilleton sur la vie des goélands, nobles volatiles qui constituent la population originelle d'une cité balnéaire: Palavas-les-Flots. Les précédents épisodes sont à quérir plus en avant sur ce blog.)

Toc toc toc

Quiquigna?

Qui qui frappe à ma fenêtre?

Ah, c'est vous, Germaine.

Germaine, comme de bien entendu.

Rutilante en ses atours de printemps.

Mais l'oeil torve.

Trois larmes déjà qui dérimellisent le regard.

"Germaine?"

Deux claquements du bec.

Une plainte jaboteuse.

"Il ne peut plus....."

Mon regard interroge aussitôt l'oiselle bredouillante...

"Oui .... Edouard..... Edouard ne peut plus... Plus du tout... Vous imaginez? Alors que je les sens se former en moi... Mes oeufs.... Fécondables..... C'est une affaire de jours, monsieur André... Oui, de jours!"

Le cri!

Le cri de la goélande qui m'a plusieurs fois narré l'imminence de sa ménopause, qui sait qu'elle ne connaîtra plus qu'une ou deux autres opportunités de réussir une belle couvaison.

"Germaine? Que lui advient-il à votre Edouard? Avant hier, jour de l'Annonciation, n'est-ce pas lui qui transportait en son bec une branche de tamaris?"

Germaine opine.

"Il transportait, monsieur André. Il transportait. Pour sauver les apparences. Mais il ne lui reste que cela à mon pauvre Edouard: des apparences. Qui ne me feront pas une belle couvaison....."

Un flot de larmes. Des sanglots si longs que les violons de l'automne se substituent aux cornemuses du printemps.

"Le héron, monsieur André. Le long bec pointu du héron de la héronne lui a transpercé les choses...."

C'est vrai. J'avais remarqué l'état déplorable des dites choses au retour de l'intrépide voyageur, lorsque j'avais accompli quelques uns des soins de premier secours. Des choses que j'avais mercurochromées. Mais qui, malgré toute ma diligence, se sont infectées.

"A-t-il pris rendez-vous chez le vétérinaire, votre Edouard?"

Les sanglots redoublent.

"Mais c'est que le temps presse, monsieur André! Je ne peux attendre la Pentecôte ni même l'Ascension..... Mes oeufs, je les sens, là, en moi, tellement fécondables...."

J'imagine. Les oeufs prêts à s'encoquiller, l'ovule frémissant déjà dans l'attente de l'assaut perpétré par la multitude des spermatozoïdes...

"Germaine, vous n'êtes pas sans avoir remarqué tous ces jeunes gens, si bien sur eux, qui depuis plusieurs jours rôdent autour de votre nid?"

Le flot des larmes est intarissable.

L'indignation les accompagne.

"Moi, monsieur André, tromper mon Edouard? Je ne suis point celle que votre propos laisse imaginer. Je suis fidèle, moi. Vous l'avez vu mon nid? Tout ce que mon Edouard a entassé pour m'assurer un maximum de confort. Les amoncellements de nicolineries. Et les jolies images de monsieur Christian. Des images en couleurs. Collées contre le béton de la cheminée à l'aide de quelques fientes....."

J'imagine. Un transfuge de l'UMP rendu au gaullisme préhistorique. Dont le regard de bon père de famille observe la parturiente virtuelle.

"Ce que je vous en dis, madame Germaine...... C'est pour votre bien.... "

Je griffonne sur la marge de la une de Libé les coordonnées d'une de mes vielles connaissances. Georges. Un cormoran obèse, mais qui depuis 40 ans offre son sperme à la banque du même nom.

"Au cas où, Germaine.... En ultime recours..."

J'insinue le bout de papier sous l'aile droite de mon accorte voisine.

"Sait-on jamais? Un miracle? Les grenouilles grouillent dans les bénitiers, Germaine. Lorsque vous en aurez croqué deux ou trois, de ces grenouilles, peut-être que l'eau bénite....."

Un timide sourire.

Un hochement de la tête.

Comme pour me signifier qu'on ne croit guère en mes fadaises.

Mais que tout de même....

L'oiselle frétille du croupion.

Demain sera un autre jour.

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