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13 mars 2010

Long cou

Vendredi 12 mars.

13h30.

Je somnole entre deux lectures.

"Les érotomanies papales" de Jacques Gaillot, ancien archevêque des ASSEDIC.

"A cheval sur mon bidet" de Brigitte Lahaye, conseillère conjugaliste.

Un  bec frappe contre la vitre de l'unique fenêtre de ma tanière.

J'entrouvre l'oeil droit.

Edouard!

Mais dans quel état, l'Edouard!

Une sorte de pantin sanguinolent, l'oeil gauche cocardisé, déplumé du jabot.

"Excusez-moi, monsieur André, mais je ne peux me présenter devant ma Germaine dans cet état-là."

Qu'à cela ne tienne! J'entraîne illico le dit Edouard jusqu'à la salle de bain.

J'installe ensuite le volatile dans la baignoire puis je l'ausculte.

"Eh bien, dites-moi, vous avez dû passer un sale quart d'heure?"

Sous ce qu'il reste du plumage, ce ne sont que plaies béantes qui suintent et suppurent.

"Une bien mauvaise rencontre, Monsieur André. Sur le chemin du retour, pour mon plus grand malheur, je me suis arrêté sur les rives du Salagou..."

(Le lac du Salagou? Une splendeur. Artificielle, certes. Mais une splendeur tout de même, nichée dans les Zocantons Zhéraultais. Conçue et réalisée par les Zémérites Bâtisseurs du Conseil Généreux auquel préside actuellement Dédé le Cumulard, qui se défaussa au profit de madame Hélène lorsque le parti socialiste d'ici se persuada, à six semaines des élections régionales, de se réinstaller dans une posture morale.)

"Et là, j'ai croisé une accorte Héronne. Qui pêchait le goujon. Et qui m'en offrit deux ou trois. Des goujons frétillants piqués au bout de son long bec emmanché d'un long cou. Nous devisâmes, de choses et d'autres, puis de fil en aiguille..... Oui, monsieur André, nous avions commencé à nous bécouiller. Même que la Belle Héronne se félicita de l'exceptionnelle douceur du mien, de bec, comparé à celui d'un certain Valéry, son époux. Et c'est alors qu'il a surgi, le dit Valéry. Très colère. Très fureur. Avec son bec à lui qui, sans crier gare, me perfora de partout. De la tête jusqu'aux palmes. Au point que je sais trop comment je suis parvenu à m'enfuir...."

J'imagine.

Les rives du Salagou.

L'inopinable rencontre d'un goéland suborneur et d'un héron à la jalousie exacerbée par les influences d'une saison qui est celle des amours.

Un héron cendré, en plus.

"L'essentiel, c'est que vous lui reveniez sain et sauf à votre Germaine".

Le goéland hocha de l'aile droite.

J'avais commencé à lui mercurochromer le jabot.

"Je vais avoir l'air ridicule avec tout ce rouge sur moi.

- Le ridicule ne tue plus, mon cher Edouard."

Le goéland hocha de l'aile gauche.

"Peut-être. Quoique je n'en sois pas certain, moi. Et la Germaine?"

Oui, je les imagine les interrogations formulées par l'épouse outragée. Où? Quand? Pourquoi? Comment?

"Vous n'êtes pas à une affabulation près, mon cher Edouard. Que sais-je, moi? Un instant d'inattention au moment où vous passiez au niveau de l'église de Palavas. Un mauvais coup de vent. Et vlan! Vous vous fracassez contre le grand vitrail. Vous l'explosez. Des morceaux de verroterie fichés dans votre épiderme, vous accourez chez moi. Qui ne suis point vétérinaire, mais qui dispose d'une pince à épiler, d'un peu de coton et d'un flacon de mercurochrome..."

Le goéland opine une fois encore de l'aile gauche.

"Vous auriez dû écrire des romans, monsieur André.... ou des fables...."

Un grand coup de tampon mercurochromé sur le cloaque.

"Ta gueule, Edouard!"

Pis que la colère, la rage froide.

Que je contiens.

Que je contrôle.

Que je réfrène.

Le goéland enfouit sa tête.

Toujours sous l'aile gauche.

Là où il dissimule depuis des lustres une photo de Marie-Georgette.

"Pardonnez-moi, mon cher Edouard, ce mouvement de mauvaise humeur. L'âge, vous savez, quand ça vous prend...".

L'aile se déploie.

La gauche, bien entendu.

"Voilà. Vous êtes rafistolé. A votre place, je ne déserterais plus le nid conjugal. Au moins jusqu'à l'été. Et je vous interdis formellement d'aller vous aventurer au-dessus du Méjean. J'y ai remarqué la présence d'un couple de busards. Des pêcheurs....."

(Le Méjean, un étang qui l'a saumâtre depuis qu'il n'est plus la mer.)

Nul besoin d'épiloguer. Le goéland acquiesce puis il s'observe dans le miroir.

Le miroir de mes rasages matutinaux.

Devant lequel je ne rêve à rien.

"Et dimanche, monsieur André, vous voterez pour monsieur Georges?"

Un vague sursaut de l'épaule gauche.

"Dimanche, mon cher Edouard, j'irai à la pêche. A la pêche au goujon, bien entendu."

 

Pace è Salute!

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